Le Grenier de Clio : Mythologies africaines.

Kwasi Benefo

Kwasi Benefo est le héros mythique Ashanti qui fit un voyage à Asamando, la terre des morts puis il retourna dans le monde des vivants.

Kwasi Benefo était un jeune fermier qui avait un bétail nombreux et des champs florissants. Il  ne lui manquait qu’une épouse et des enfants pour être totalement heureux. Il  choisit pour épouse une jeune femme qui lui plaisait. Ils vécurent heureux pendant quelque temps jusqu’à ce qu’elle tombe malade et meure peu de temps après. Affligé, il lui acheta un amoasie et des perles pour ses funérailles. Ce décès le choqua beaucoup mais après un long moment ses amis et sa parentèle le décidèrent d’épouser une jeune femme d’un autre village; ils vécurent heureux. Son épousa tomba enceinte mais elle mourut avant d'avoir pu donner naissance à leur enfant. La famille de sa défunte épouse ayant entendu parlé de la peine de Kwasi tentèrent de le consoler en lui disant :

Kwasi Benefo

« Ce qui est passé est passé, on ne peut pas revenir en arrière. Quand on a aimé quelqu’un avec son cœur  il ne disparaît pas complètement mais il faut laisse les morts avec les morts et les vivants avec les vivants ». Et ils lui proposèrent d’épouser sa sœur.

Les Ashanti croient que les morts habitent un monde qui est une image en miroir du monde des vivants. La mort n’est pas un phénomène brutal car elle suit des étapes. Tant que quelqu’un se souvient d’un ancêtre défunt il n’est pas complètement mort. Il sera vraiment mort qu’au bout d’un certain nombre de génération quand plus personne ne sera capable de l’appeler.

Ces ancêtres invisibles (appelés nsamanfo en Akan) peuvent apparaître comme une force dans la vie, dans les rêves ou dans les états de profonde rêverie  l'esprit d'un individu vivant (sunsum) peuvent converser avec ces nsamanfo.

Après bien des hésitations, Kwasi Benefo l’épousa et ils vécurent heureux pendant un certains temps d’autant plus que le couple venait d’avoir un enfant. Un jour, alors que la jeune femme était allée chercher de l’eau au puits il entendit les villageoises se plaindre qu’un arbre était tombé.

Qui peut bien pleurer la chute d’un arbre se dit-il.

Puis des hommes arrivèrent en courant et lui dirent : « Ta femme revenait du puits. Elle s’est assise sous l'arbre pour se reposer. Un esprit des bois a affaibli les racines et l'arbre lui est tombé dessus »

Il courut à perdre haleine vers sa maison pour découvrir le corps sans vie de son épouse. Le choc fut si terrible qu’il tomba inanimé. L’homme-medecine eut beaucoup de mal à la ranimer. Mais il ne réussit pas à le sortir du profond désespoir.

Pourquoi le sort s’acharnait-il sur lui. Désormais quelle femme voudrait se marier avec lui? Quelle famille serait prête à lui confier leur fille? Même ses amis commencèrent à le regarder avec suspicion. 

Alors il a confié son fils à sa belle famille puis il a tout abandonné et il est allé très loin dans la forêt pour vivre à l'écart du monde.

Au bout de quelques années il pensa que le renoncement  aux possessions matérielles et la vie d'un ermite ascète qu’il s’était imposé, avait pu modifier le sens de sa vie.

Mais le voyage de ce héros ne se termine pas là

Il sortit de la forêt et il alla dans un village éloigné où personne ne le connaissait. Il a travaillé dur pour avoir des champs florissants et du bétail abondant. Il s’est marié une quatrième fois, mais encore une fois, il a perdu sa femme.

"Comment puis-je continuer à vivre?" Il a abandonné sa ferme, ses champs et ses troupeaux, et il se retourné au village où il est né. Les gens ont été surpris car ils avaient pensé qu'il était mort. Sa famille et ses amis se sont réunis pour célébrer son retour, mais Kwasi Benefo leur dit: «Non, il n'y aura pas de fête. Je suis revenu pour mourir dans mon propre village et être enterré ici, auprès de mes ancêtres. »

Une nuit alors que le sommeil avait fui il pensa qu’il devait aller dans l’Asamando, l’Autre Monde, voir une dernière fois les quatre jeunes femmes qui avaient partagé sa vie.

Il fit le voyage long et difficile. Finalement, il arriva sur la berge d'une rivière qui coulait rapide et profonde. Là, se tenait une femme avec un panier plein de perles et de cache-sexe. C’était Amokye, qui avait la charge d’accueillir les âmes de femmes mortes dans l’Asamando et leur demander des perles et leurs vêtements pour pouvoir franchir la rivière impétueuse.

En voyant Kwasi elle lui demanda pourquoi il était venu puisqu’il n’était pas mort.

Et il répondit: «Je suis venu pour voir mes épouses. Je ne peux pas vivre plus longtemps, parce que chaque femme qui vient dans ma maison, la mort la prend. Je ne peux plus dormir, je ne peux plus manger, je ne veux plus rien de ce monde »

Amokye lui dit: « Oh, vous devez être Kwasi Benefo. J’ai entendu parler de vous. Plusieurs personnes sont venues ici et m’ont parlé de votre malheur. Mais vous n'êtes pas une âme, vous êtes un homme vivant, donc vous ne pouvez pas traverser. »

Kwasi Benefo dit, « Alors je vais rester ici jusqu'à ce que je meure et devienne une âme. »

Amokye comprit que rien ne le ferait changer d’avis et compatissante, elle le laissa traverser la rivière. Toutefois, elle l'avertit que ses épouses seraient invisibles pour lui mais qu’elles sauraient qu’il était venu pour les rencontrer. D’un geste, elle calma les flots et écarta l’eau pour qu’il puisse traverser presque à sec.

Il arriva dans le village où vivaient ses femmes. Ce village ressemblait à n’importe quel village du monde des vivants : il y avait du linge qui séchait au soleil, de la nourriture qui mijotait dans les chaudrons, mais il ne voyait absolument personne. En revanche il pouvait entendre les voix de ses épouses. Elles chantaient une chanson de bienvenue, elles louaient la gentillesse de leur mari, elles lui servirent un repas, elles préparèrent sa couche et avant qu’il s’endorme, elles lui dirent se marier à nouveau et que cette fois tout irait bien.

Quand Kwasi Benefo se réveilla, il était de retour dans son village et la tristesse avait disparu de son cœur. Courageusement il reprit son ancienne vie. Il se maria pour la cinquième fois, et lui et sa femme et ses enfants vécurent heureux pendant de longues années.