Auteurs de science-fiction et de fantastique dont le nom commence par L...
LAFFERTY (Raphaël Aloysius). – Né en 1914, R.A. Lafferty donna à Judith Merril (dans The year’s best S.F., 11e série) les notes suivantes en guise d’esquisse d’autoportrait : « Si j’avais eu une biographie intéressante, je n’écrirais pas de la science-fiction et du fantastique pour l’intérêt de remplacement. Je suis, dans le désordre, quinquagénaire, célibataire, ingénieur électricien, corpulent ». S’étant mis tardivement à l’activité d’écrivain, Lafferty a rapidement montré qu’il ne ressemblait à aucun autre auteur. Ses idées n’appartiennent qu’à lui, et il en va de même de son style narratif, qui peut paraître bâclé et mal équilibré de prime abord, mais qui possède en réalité une vivacité et une souplesse rythmique peu communes. Dans les univers de Lafferty, l’absurde et l’impossible peuvent se succéder sans attirer l’attention des personnages, ni heurter le lecteur. Ils suffisent, avec les étincelles d’une imagination infatigable, à justifier des récits où il n’y a ni message, ni confession. Parmi ses romans, Past Master (1968) met en scène Thomas More, appelé dans le futur pour résoudre les problèmes d’une société qui devrait être utopique – thème qui donne un aperçu de la manière dont agit la « logique » de l’auteur. Ce dernier est cependant encore plus à l’aise dans le genre de la nouvelle, dont Does Anyone Else Have Something Further to Add (1974, Lieux secrets et vilains messieurs) offre un bon recueil. R.A. Lafferty ne fera certainement pas école – il est trop inimitable pour cela – mais sa conversion de l’électronique à la littérature s’est traduite pour la science-fiction par un enrichissement aussi substantiel qu’imprévisible : une nouvelle forme de rationalisation de la démence.
LE GUIN (URSULA KROEBER). – Née en 1929, fille d’un anthropologiste, épouse d’un professeur d’histoire, Ursula Le Guin étudia les langues romanes, soutenant une thèse sur Les Idées de la mort dans la poésie de Ronsard en 1952. Elle est venue relativement tard à la science-fiction, son premier récit notable étant Rocannon’s World (1966), histoire d’un savant échoué sur une planète primitive, importante pour l’esquisse du décor galactique sur lequel elle allait développer beaucoup de ses récits ultérieurs. Parmi ceux-ci, The Left Hand of Darkness (1969, La Main gauche de la nuit) gagna les prix Hugo et Nebula de l’année et imposa définitivement Ursula Le Guin parmi les auteurs principaux du genre. Ce roman met en scène un ethnologue qui visite une planète très froide dont les habitants sont ambisexués. En plus du soin avec lequel le décor était brossé, ce fut le style de l’auteur, aisé, fluide et profondément évocateur, qui attira l’attention. Comme The left Hand of Darkness, The Dispossessed (1974, Les Dépossédés) remporta les prix Hugo et Nebula ; ce récit allégorique au thème social est placé devant le même décor galactique que les deux autres romans précédemment mentionnés, mais son action est antérieure chronologiquement. Dans ce roman, Ursula Le Guin oppose un monde bâti sur le capitalisme à une société anarchique sans prononcer de jugement absolu. Parmi les autres romans d’Ursula Le Guin figure la trilogie Earthsea (1968-1972, Terremer), qui raconte l’ascension d’un magicien dans une sorte d’archipel planétaire, sur une planète où la magie obéit à des lois déterminées. En 1979, Susan Wood a fait paraître un volume réunissant des essais écrits par Ursula Le Guin sur différents thèmes du fantastique et de la science-fiction, The Language of the Night.
LEIBER JR. (Fritz). – Fils d’un acteur de théâtre et de cinéma qui eut son heure de célébrité dans les années vingt et qui portait le même prénom que lui, Fritz Leiber Jr. naquit en 1910 et découvrit très tôt le théâtre de Shakespeare dans les tournées de son père. Il obtint une licence de philosophie en 1932, essaya divers métiers dont celui de prédicateur religieux et celui d’acteur dans la troupe de son père. Débuts en 1939 dans Unknown, l’excellente mais éphémère revue de fantastique que John W. Campbell Jr. dirigeait parallèlement à Astounding, et où il publia les aventures héroïques du Grey Mouser (Le Cycle des épées, Le Livre de Lankhmar) ; en même temps paraissaient dans Weird Tales des nouvelles fantastiques comme The Hound (1940), sur « les êtres surnaturels d’une cité moderne ». Enfin il passe au roman avec Conjure Wife, roman fantastique humoristique paru dans Unknown en 1943, puis Gather, Darkness ! (À l’aube des ténèbres, 1943) et Destiny Times Three (1945) ; dans ces deux derniers livres, il se convertit à la science-fiction, mais comme à regret et en conservant de nombreuses références à la sorcellerie. En 1945 il devient co-rédacteur en chef de Science Digest et cesse d’écrire. De 1949 à 1953, il écrit une série de nouvelles sarcastiques pour Galaxy, dont Corning Attraction (1951) et The Moon is Green (La Lune était verte, 1952) cette double activité professionnelle finit par le mener à la dépression, il se met à boire et tout finit par une cure de désintoxication. Enfin il quitte le Science Digest en 1956 et recommence à publier en 1957. Cette troisième carrière est de beaucoup la plus brillante, avec notamment deux romans qui obtiennent le prix Hugo : The Big Time (La Guerre dans le néant, 1958) et The Wanderer (Le Vagabond, 1964). Fritz Leiber est sans doute, avec Theodore Sturgeon, l’auteur le plus original de sa génération ; son ton inimitable, où l’horreur et l’humour font pour une fois bon ménage, lui a souvent valu d’être incompris dans le passé, et ce n’est que depuis les années soixante qu’on lui rend pleinement justice.
LONG (FRANK BELKNAP). – Né en 1903, Frank B. Long commença à écrire des récits fantastiques en 1924, inspiré souvent par H.P. Lovecraft, dont il fut le disciple et l’ami, et auquel il devait consacrer un chaleureux et intéressant livre de souvenirs en 1975, Howard Phillips Lovecraft : Dreamer on the Nightside. Après 1940 principalement, Frank B. Long signa également des récits de science-fiction, dans lesquels il laisse apparaître une pointe d’humour et de tendresse, ainsi qu’une pénétration psychologique, distinguant son œuvre de celle de Lovecraft. Il a déclaré que ce qui l’intéresse le plus dans la science-fiction, c’est « l’étrangeté, le mystère, et l’émerveillement des immensités cosmiques, ainsi que la possibilité de vie intelligente sur d’autres mondes ». Plusieurs de ses nouvelles se situent dans un lointain avenir où les humains, réduits à la taille de nains, sont dominés par des insectes géants.