Le Grenier de Clio : Légendes médiévales.

Décaméron³

Cinquième Journée.

Comme pour permettre à l'esprit du lecteur de s'évader de la tristesse de tant de tragédies, Fiammetta choisi pour argument de la Cinquième Journée « ce qui à quelques amants arriva heureusement après quelques incidents cruels ou malheureux.» Elle comporte donc exclusivement des histoires à fin heureuse. Se remarquent par leur valeur d'art et leur rayonnement poétique l'allègre histoire du chant des rossignols ; la romanesque aventure de Teodoro et de Violante, l'histoire de Gostanza de Lipari, celle de Nastagio de la famille des Onesti, enfin celle de Federigo de la famille des Alberighi. Gostanza, après de longues aventures et un long désespoir, réussit miraculeusement à vaincre les obstacles qui s'opposent à son mariage avec Martuccio Gomito qu'elle aime. Nastagio, déchiré par un amour malheureux, arrive à émouvoir le cœur de la jeune fille dont il est épris, tirant parti, d'une manière inimaginable, d'une vision infernale : alors qu'il se trouvait dans un bois de pins à Chiassi,  il vit un chevalier poursuivre une jeune fille, la tuer et la faire dévorer par deux chiens ». Il apprend du chevalier que cette peine a été assignée au couple par la justice divine, parce que la femme, de nombreuses années auparavant, l'avait réduit au suicide par son implacable cruauté. Et il suffit à Nastagio de faire assister son aimée à la terrible scène (qui se reproduit chaque vendredi) pour la persuader de l'épouser sans délai. Federigo, après avoir dépensé en vain sa fortune pour conquérir par le luxe et la magnificence le cœur de Giovanna, réussit à l'émouvoir en supportant noblement la misère et en continuant à donner des preuves de l'héroïque ténacité de son amour et de l'extrême noblesse de son âme.

Cimon et Iphigénie
Cimon et Iphigénie
par Sir John Everette Millais (1848)

(1) Cimon devient sensé en devenant amoureux, et enlève en mer sa dame Ephigénie. Il est mis en prison à Rhodes. Lisimaque l’en tire, et tous les deux enlèvent Éphigénie et Cassandre au milieu de leurs noces. Ils s’enfuient avec elles en Crète ou ils les épousent, et, devenus riches, ils sont rappelés chez eux.
(2) Costanza aime Martuccio Gomito. Entendant dire qu’il était mort, elle monte de désespoir dans une barque qui est poussée par le vent à Suse. De là, elle s’en va à Tunis où elle le retrouve vivant. Elle se fait connaître à lui et l’épouse. Martuccio, devenu riche, s’en revient avec elle à Lipari.
(3) Pietro Boceamazza s’enfuit avec l’Agnolella. Il rencontre des voleurs ; la jenne fille fuit à travers une forût et arrive vers un château. Pietro est pris par les voleurs et se sauve de leurs mains. Après divers accidents, il arrive au château où était l’Agnolella, et l’ayant épousée il s’en revient avec elle à Rome.
(4) Ricciardo Manardi est trouvé par messer Lizio dla Valbona avec la fille de celui-ci. Il l’épouse et fait la paix avec le père.
(5) Guidotto da Cremona laisse à Giacomino da Pavia une petite fille et meurt. Celle-ci devenue grande et demeurant à Firenza, est aimée par Giannole di Séverine, et Minghino di Mingole qui se la disputent. La jeune fille est reconnue pour être la sœur de Giannole, et épouse Minghino.
(6) Gianni di Procida est trouvé avec une jeune fille qu’il aime et qui avait été donnée au roi Federigo. Tous deux sont liés à un pal pour être brûlés. Mais Gianni est reconnu par Ruggieri dell’ Oria; il échappe au supplice et épouse sa dame.
(7) Théodore, amoureux de Violante, fille de masser Amerigo, son seigneur, la rend grosse et est condamné à être pendu. Pendant qu’on le conduit au supplice en le fouettant de verges, il est reconnu par son père et mis en liberté ; après quoi il épouse Violante.

Banquet dans la forêt de pins par S. BOTTICELLI
© Museo del Prado

8) Nastagio degli Onesti aimant une dame de la famille des Traversari, depense toute sa fortune sans parvenir à se faire aimer. Sur les instituées des siens, il s’en va à Chiashi. Là, il voit un chevalier donner la chasse à une jeune femme, la tuer et la donner à dévorer à deux chiens. Il invite à déjeuner ses parents et la dame qu’il aime, et celle-ci voit la même jeune femme subir le susdit supplice. Craignant qu’il ne lui en arrive autant, elle consent à prendre Nastagio pour mari.
(9) Federigo degli Alberighi aime et n’est point aimé. Ayant dépensé tout son bien en prodigalités, il ne lui reste plus qu’un faucon qu’il donne à manger à sa dame venue chez lui pour le voir. Celle-ci apprenant cette nouvelle preuve d’amour, change de sentiment, le prend pour mari et le fait riche.
(10) Pietro di Vinciolo va dîner hors de chez lui. Sa femme fait venir un jeune garçon. Pietro étant revenu, elle cache le garçon sous une cage à poules. Pietro raconte qu’on vient de trouver chez Arcolano, avec lequel il soupait, un jouvenceau que sa femme y avait introduit. La dame blâme vivement la femme d’Arcolano. Par malheur, un âne pose son pied sur les doigts du garçon qui était sous la cage. Il crie, Pietro y court, le voit et reconnaît la fourberie de sa femme, avec laquelle il s’accorde pourtant afin de satisfaire sa vile passion.

Sixième Journée.

Décameron illustré par Celedonio Perellón

Au cours de la Sixième Journée, la reine Elissa invite les conteurs à choisir des sujets plus légers : «on racontera l'histoire de celui qui,  par un agréable propos, se sauve ou, par une prompte riposte ou agilité d'esprit, échappe à sa perte, péril ou humiliation. » Dans cette journée qui n'est que vifs propos ou réponses spirituelles, l'art de Boccace trouve moyen de s'exercer dans toute sa vigueur. C'est dans une atmosphère d'une magique simplicité qu'est évoquée la figure de Guido Cavalcanti, avec pour toile de fond, la Florence dantesque ; le talent de Boccace trouve matière à se déployer dans les portraits du peintre Giotto, de la cynique donna Filippa ; de Chichibio, le cuisinier le cuisinier de Currado lequel soutient non sans courage à son maitre que les grues n'ont qu'une patte et réussit par une plaisanterie, à échapper au châtiment mérité ; ou encore dans celui du boulanger Cisti, qui gagne l'amitié et le respect du grand seigneur Geri Spina par sa fierté et sa gentillesse populaires. La série se termine par la présentation de frère Cipolla : le fourbe quêteur a promis aux paysans ingénus de Certaldo de leur montrer une plume de l'ange Gabriel au moment d'ouvrir la botte contenant la précieuse relique, il s'aperçoit qu'un farceur a substitué des charbons à la plume, mais il ne perd pas l'esprit. Il présente ces charbons à la foule comme ceux qui brûlèrent saint Laurent et couronne sa victoire par une très éloquente improvisation : grotesque et malicieux discours dans lequel l'art de Boccace donne libre cours à son incomparable verve comique en une incroyable ronde d'extravagantes inventions, d'heureuses trouvailles et de profitables arguties.
(1) Un cavalier engage madame Oretta à monter en croupe derrière lui, lui promettant de lui raconter une nouvelle. La dame trouvant qu’il raconte fort mal, le prie de la remettre à terre en mettant en cause la rudesse du cheval. Le cavalier comprit et changea de sujet.
(2) Le boulanger Gisti fait d’un mot revenir messer Geri Spina de sa demande indiscrète.
(3) Monna Nonna de Pulci, par une prompte répartie à une plaisanterie rien moins qu’honnête de l’évêque de Florence, lui impose silence.
(4) Chichibio, cuisinier de Conrad Gianfigliazzi, par une prompte répartie, change en rire la colère (le Conrad, et échappe au châtiment dont ce dernier l’avait menacé.
(5) Messer Forese da Rabatta et maître Giotto, le peintre, revenant de Mugello, se moquent mutuellement de leur laide apparence.
(6) Michele Scalza prouve à certains jeunes gens comme quoi les Baronci sont les plus anciens gentilshommes du monde et de la Maremme et gagne un souper.
(7) Madame Filippa, trouvée par son mari avec un sien amant, et appelée en justice se sauve par une prompte et plaisante réponse, et fait changer la loi.
(8) Fresco invite sa nièce à ne pas se regarder en un miroir, puisque, comme elle le disait, les gens laids lui déplaisaient à voir.
(9) Guido Cavalcanti injurie en termes polis certains chevaliers florentins qui l’avaient surpris.
(10) Frère Cipolla promet à des paysans de leur montrer la plume de l’ange Gabriel. Trouvant à la place de celle-ci des charbons, il leur dit que ce sont les charbons qui avaient fait griller saint Laurent.

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