Le Grenier de Clio : Mythologie grecque.

Antigone

Il faut croire que le nom d'Antigone est prédestiné à une vie difficile. Les trois héroïnes que nous allons découvrir ont toutes connu un destin tragique.

 Antigone est la fille incestueuse d'Œdipe, roi de Thèbes et de la reine Jocaste (qui est aussi sa grand-mère). Après le suicide de Jocaste, honteuse de son inceste involontaire, Œdipe, qui s'est crevé les yeux, s'exile à Colone sous la conduite d'Antigone.

Antigone
Antigone sur la tombe de son frère
(© Musée du Louvre)

Sa soeur Ismène les y rejoint. Les Thébains essaieront en vain de les enlever. Le poète Ducis met ces mots dans la bouche d'Œdipe s'adressant à sa fille qui a su si bien s'occuper de lui.

Oui, tu seras toujours chez la race nouvelle
De l'amour filial le plus parfait modèle;
Tant qu'il existera des pères malheureux
Ton nom consolateur sera sacré pour eux:
Il peindra la vertu , la pitié vive et tendre.
Jamais sans tressaillir ils ne pourront l'entendre!
J.F. DUCIS

Après la mort d'Œdipe, les jeunes filles reviendront volontairement à Thèbes où le roi Créon, leur oncle, avait promis de marier Antigone à son fils Haemon ou Hémon. Au cours de la guerre des Sept Chefs, ses frères Etéocle et Polynice s'entre-tuèrent. Créon, frère de Jocaste, alors au pouvoir fit donner à Etéocle une sépulture décente, mais il ordonna que le corps de Polynice, qu'il considérait comme un traître à sa patrie, restât sans sépulture à l'endroit où il était tombé.
Antigone, convaincue que la loi divine devait l'emporter sur les décrets humains, décida de rendre les honneurs funèbres à son frère. Surprise par les gardes elle fut amenée devant le roi.

Pour ne pas se souiller, Créon la condamna à être enfermée vivante dans le tombeau des Labdacides où elle devait mourir de faim. Ismène voulut partager son sort mais sa soeur refusa car elle n'avait pas eu, en son temps, le courage de s'opposer à Créon. Argie était très amoureuse de son époux Polynice elle aida sa belle soeur, Antigone, à l'enterrer malgré l'interdiction de Créon qui la condamna à mort.
Le devin Tirésias rapporta à Créon ces paroles à peine obscures où il devait sous peine de malédiction "enterrer les morts et de déterrer les vivants". Créon comprit et se précipita au tombeau pour le faire ouvrir mais il était déjà trop tard.

Antigone s'était pendue avec sa ceinture et son amant éploré, Haemon, chercha d'abord à tuer son père et en le maudissant il se suicida à son tour suivit dans son acte par sa mère, Eurydice, la femme de Créon qui se trancha la gorge.

La noble résignation et la mort d'Antigone ont fourni matière à plusieurs tragédies. Celle de Sophocle est la seule qui nous soit parvenue. Deux autres, l'une d'Euripide, l'autre d'Eschyle, n'existent plus.

❖ Version d'Euripide

Antigone et Polynice
Antigone et Polynice (c.1806)
Benjamin CONSTANT
 © Musée des Augustins, Toulouse

Il existe une autre version racontée par Euripide. Créon imposa à son fils de châtier sa future épouse car ce pouvoir appartient au mari ou au fiancé.

Haemon fit semblant d'obéir et cacha Antigone à la campagne où elle lui donna un enfant. Mais un jour que ce dernier participait à une épreuve sportive à Thèbes, Créon remarqua une marque en forme de fer de lance qui était une caractéristique héréditaire de la famille.

Il comprit ce qui s'était passé et condamna à mort Haemon et Antigone. Mais Dionysos (ou Héraclès) en personne venu assurer la défense, obtint le pardon et ainsi Haemon et Antigone purent se marier et vivre librement. Pour cette fois l'histoire se termine bien.

❖ Autres versions

Antigone conduit Oedipe
Antigone conduit Œdipe hors de Thèbes
Charles-François JALABERT
© Musée des B-A de Marseille

Dans une autre version, Argie (ou Argia), la femme de Polynice aida Antigone à porter le cadavre de son frère sur le bûcher qui avait été allumé pour Etéocle. Arrêtées par la garde elles furent condamnées à mort mais sauvées par l'armée athénienne conduite par Thésée.

Une version raconte aussi qu'Antigone et sa sœur Ismène furent brûlées vives dans le temple d'Héra par le fils d'Etéocle, Laodamas.

De nombreux auteurs de toutes les époques ont été intéressés par cette tragédie.
• Jean de Rotrou (1609-1650), tragédie en 5 actes inspirée de l’Antigone de Sophocle
• Vittorio Alfieri, tragédie du XVIII ième siècle aussi inspirée de Sophocle
• Jean Anouilh, tragédie écrite pendant l'Occupation

❖ Arts

Oedipe conduit par Antigone
Œdipe conduit par Antigone
Antoni BRODOWSKI (1828)
© Musée National de Varsovie
Antigone enterrant Polynice
Marie SPARTALI STILLMAN
© S. Carter Gallery, Woodbridge UK
Suicide d'Haemon
Victorine GENEVE-RUMILLY
 

❖ Filiation.


Jocaste Œdipe
ANTIGONE
Époux* / amant Enfant
Haemon un fils

❖ Sources antiques


Antigone, fille d'Eurytion, roi de Phthie.

Chasse au sanglier de Calydon
Chasse au sanglier de Calydon
Jean Baptiste DOSSI

Elle avait épousé Pélée, un homme qui portait malheur. Pélée était le fils d'Éaque, roi de l'île d'Égine. Lui et son frère Télamon tuèrent leur demi-frère Phocos, peut-être accidentellement. C'est pour cela qu'il s'exila en Phthie où le roi Eurytion, lui donna sa fille et un tiers de son royaume. Pélée et Antigone eurent une fille, Polydora qui est devenue la mère de Ménesthios par Spercheus, le dieu-fleuve de Thessalie. Au cours de la chasse au sanglier de calydon, Pélée tua accidentellement Eurytion et il dut s'enfuir de Phthie. En arrivant à Iolcos, Pélée fut purifié du meurtre d'Eurytion par Acaste, le roi d'Iolcos. Astydamie, l'épouse du roi Acaste tomba amoureuse de lui. Il ne répondit pas aux avances de la belle qui, jura de se venger doublement. Elle informa Antigone, restée en Phthie, que son époux allait épouser sa fille Stéropè. Antigone se pendit de désespoir.
Puis Astydamie se plaignit à Acaste que Pélée avait essayé de la violer. Croyant cette fausse accusation, Acaste profita d'une partie de chasse pour cacher l'épée de Pélée juste au moment où une troupe de centaures attaquait. Le sage Chiron rendit l'épée de Pélée qui réussit i à s'échapper. Puis Pélée pilla Iolcos et tua Astydamie et, selon certains, Acaste lui-même.
Apollodore III, 13, 1-3
Iliade XVI, 173 sqq


Antigone fille de Laomédon.

Antigone et Polynice
Antigone changée en cigogne par Héra

Antigone fille de Laomédon, roi de Troie avait imprudemment comparé sa beauté à celle d'Héra, l'orgueilleuse épouse de Zeus. Celle-ci, pour la punir, transforma sa chevelure en une multitude de serpents.
Elle avait un air si pitoyable que les dieux décidèrent de faire un geste en sa faveur. Ils la métamorphosèrent en cigogne.
Devenue une blanche cigogne couverte de plumes, elle aimait s'applaudir elle-même, en claquant du bec.

C'est sans doute depuis ce jour-là que les cigognes mangent les serpents.
Ovide, Métamorphoses VI, 93-97.