Histoire

Les premiers agriculteurs et éleveurs d'Anatolie (partie de la Turquie actuelle) commencent à se sédentariser vers 6500 av. notre ère.
Leurs grands villages témoignent déjà d'une organisation sociale et culturelle développée, mais, en dépit de cette avance, le pays connaît ensuite une période de relative stagnation, qui dure jusqu'à l'apparition, vers 2500 av. notre ère, de petits royaumes que leurs voisins appellent « pays des Hatti ».


C'est sous ce nom que l'Anatolie entrera dans l'histoire, lorsque des colons assyriens, venus commercer sur ses terres au XIXe siècle av. notre ère, lui transmettent l'art d'écrire.
C'est également le nom de Hatti qu'adopteront les grands rois de l'Empire anatolien. Issus de la grande migration indo-européenne, ces rois, aujourd'hui appelés les «Hittites», sont en réalité des Nésites qui s'infiltrèrent dans le pays des Hatti par le Caucase aux environs de 2000 av. notre ère.
Après avoir fondé des principautés qui, dans un premier temps, voisinent avec les royaumes indigènes, ils étendent peu à peu leur hégémonie politique au détriment de l'élément autochtone hatti et, vers 1750 av. notre ère, presque toute l'Anatolie est entre leurs mains.

❖ Royaume de Labarna

Reprenant à leur compte l'héritage culturel hatti, les Hittites fondent un premier royaume aux environs de 1750 av. notre ère, avant que ne prenne corps le véritable empire. À l'époque d'un certain Labarna 1er, vers 1680-1650 av. notre ère., le royaume est encore limité à une partie de l 'Anatolie centrale, du Taurus à la plaine de Konya. Ce roi mal connu semble avoir joui d'une certaine renommée auprès de ses successeurs, qui porteront symboliquement son nom comme un titre: ils seront les «Labarna».

Parmi eux, Hattousili 1er, son héritier direct, va transformer le petit royaume en un véritable empire par une série de conquêtes, au cours desquelles il unifiera les peuples de 1'Anatolie, demeurés jusque-là indépendants, et dominera ses voisins immédiats, notamment de Syrie du Nord et d'Arzawa. En 1620 avant Notre Ere, Moursili 1er hérite d'un empire qui est déjà considérable, mais il ne s'en contente pas et poursuit la politique expansionniste de son père adoptif. Il guerroie en Syrie et s'empare d'Alep, bat ses dangereux voisins, les Hourrites, dont il rapporte les dépouilles à Hattousa, la capitale, et prend Babylone, mais, pour des raisons obscures, n'y reste pas. Incarnant avec succès l'esprit de conquête, Moursili 1er domine un empire qui s'étend de la mer Noire; au nord, à la Méditerranée, au sud. Cette extension initiale du pouvoir hittite fut rapide, mais cette étendue et les forces tumultueuses des peuples soumis sont autant de faiblesses potentielles.

L'empire aboutit à des conquêtes fabuleuses comme à des guerres civiles sanglantes, liées à des sentiments régionaux qui peuvent se réveiller à tout moment ou, même, a une cour et une noblesse par trop ambitieuses. Déjà, sous Hattousili 1er, des dissensions avaient vu le jour, et des révoltes contre le pouvoir central avaient éclaté, fomentées parfois par la famille même du roi régnant. Moursili 1er sera l'objet d'un complot et périra assassiné. Chaque absence du grand roi, souvent bien trop occupé par son délire expansionniste, chaque faiblesse du pouvoir central laissera la porte ouverte à des rébellions internes, et chaque fois l'empire sera réduit à son noyau primitif sur le cours moyen du Halys.

Tel est le cas lors des règnes qui suivent l'assassinat de Moursili 1er. Les luttes intestines pour la succession empêchent de faire face aux harcèlements que connaît le territoire, au nord et à l'est, et de contenir les provinces qui se soulèvent peu à peu et s'érigent en royaumes indépendants.
L'empire connaît un recul notoire de sa puissance et ne se hasarde pas en haute Mésopotamie, où des événements dangereux voient le jour: les divers royaumes hourrites et sémitiques de la région s'unissent, en effet, au XVIe siècle en un empire menaçant, aux portes même du pays des Hatti, le Mitanni.

Le pouvoir hittite s'enlise, malgré une tentative de rétablissement par le roi Telebinou, soucieux de dicter à son pays une nouvelle loi de succession qui mettrait fin aux prétentions de la noblesse comme à l'arbitraire même du roi. Les rois qui lui succèdent ne sont pas tous connus, mais aucun ne semble avoir été assez fort pour s'opposer à la puissance mitannienne, et il faut attendre 1385 av. notre ère, lorsque Souppilouliouma s'empare du trône, pour que l'empire renaisse et atteigne l'apogée de sa puissance.

❖ L'apogée

Souppilouliouma restaure la puissance hittite en Anatolie, mène plusieurs guerres d'envergure en Syrie et l'occupe, du Liban à l'Euphrate, puis conclut une série d'ac- cords avec des souverains voisins. La plus grande partie de l'Anatolie est reprise, les prétentions hégémoniques du Mitanni sont brisées, et les possessions syriennes du pharaon d'Egypte sont transformées en royaume confiés à des princes hittites. Mais, en 1346 av. notre ère, quand il meurt, t'est aussi une administration intérieure sacrifiée, des souverains « amis» négligés et des devoirs religieux omis qu'il lègue à ses successeurs. Très vite après la disparition du monarque prestigieux, les pays de l'empire se révoltent, pendant qu'une nouvelle puissance, l'Assyrie, profitant de la disparition du Mitanni, menace ses frontières sur l'Euphrate.

L'empire des successeurs de Souppilouliouma s'abîme dans des guerres incessantes, à l'intérieur comme à l'extérieur. En Syrie, chaque tentative hittite est un risque de guerre avec l'Egypte, qui affirme sa présence dans la région. Moursili II puis Mouwatalli épuisent le pays dans cette lutte d'influence, jusqu'à l'affrontement avec Ramsès II, à Qadesh, dont l'issue ne semble pas avoir réglé la question pour autant.

L'empire vivra ainsi, de luttes et de diplomatie, jusqu'à l'aube duxne siècle av. notre ère, puis s'écroulera subitement, dans des conditions obscures, comme les autres grandes villes du Proche- Orient. Il disparaît à jamais de la carte du monde, mais sa culture revivra, après quelques siècles, dans de petites principautés «néo-hittites ".

❖ Le roi, mon soleil.

Si les rois du pays des Hatti ont réussi, par les armes, à contenir la colère des peuples soumis, ils n'ont jamais pu contrer la volonté divine. Et n'est-ce pas une punition divine que cette ruine de l'empire, cet abandon du pays par les dieux, puisque, comme le dit la prière: «La terre appartient au dieu de l'Orage. Le ciel, la terre et les hommes appartiennent au dieu de l'Orage. Il a fait du labama son régent et lui a donné tout le pays hittite. " ?

Ce roi, grand prêtre du royaume, qui se dit lui-même «Mon Soleil", aurait-il négligé certains de ses devoirs religieux par lesquels il se doit d'assurer bien-être et sécurité au pays? Si quelque chose ne va pas dans le pays, n'est- ce pas parce que ce roi, qui fut choisi et consacré par un dieu, a commis une faute?
À chaque événement contraire à l'éclat et à la puissance de l'empire, les Hittites s'attachent à détermiiner quelle fut la faute, par toutes sortes de pratiques magiques, mais aussi par le raisonnement logique. Moursili II, qui règne peu de temps après Souppilouliouma, à l'occasion d'une épidémie de peste, reconnaît la faute de ses pères qui négligèrent l'offrande au fleuve Mala (Euphrate) et se demande même s'il n'a pas avivé le courroux divin en faisant une entorse à un accord conclu avec les Égyptiens.

Car, s'il est «l'aimé des dieux» auxquels il doit rendre hommage, il n'en est pas moins leur « régent», celui à qui incombent les charges de la politique intérieure et extérieure. Responsable de l'ordre du monde sur terre, il dirige ses sujets, s'allie avec les peuples voisins, dont il fait parfois ses vassaux, combat les ennemis du royaume et s'empare de leurs dieux quand il n'a pas réussi à les amener pacifiquement dans sa sphère d'influence.

Juge suprême, il dicte la loi, et la reine gouverne à ses côtés. Si, comme son époux, elle se doit tout d'abord aux dieux, son rôle politique n'en est pas moins important, puisqu'elle règne indépendamment du roi. L'Empire hittite, en réservant une place de choix à la femme, fut, à cet égard, une exception au sein des royautés orientales.

Source: Grande Encyclopédie Larousse 1971