Le Grenier de Clio : Littérature grecque.

Héraclès

Euripide consacra plusieurs tragédie à Héraclès depuis sa tétralogie "les femmes crétoises", "Alcméon à Psophis", "Télèphe", "Alceste" (la seule de la série qui nous soit restée), jusqu'aux Héraclides et surtout à l'Héraclès, appelé également Héraclès furieux.

On ignore l'année de la représentation de cette dernière les hypothèses les plus probables varient entre les années 421 et 416 av. notre ère. Le drame a pour action principale les malheurs d'Héraclès qui, après avoir accompli ses merveilleux exploits au service d'Eurysthée revient chez lui et, par la volonté d'Héra, devient fou et tue sa femme et ses enfants.

❖ Résumé

Héraclès est parti pour accomplir le dernier de ses exploits : il est descendu à l'Hadès pour en ramener enchaîné le chien Cerbère et il a laissé a Thèbes, on se situe la scène du drame, sa femme Mégara et ses enfants, sous la garde de son père putatif, Amphitryon car il est en réalité fils de Zeus. Pendant son absence. Lycos, un étranger de l'Eubée qui a provoqué une sédition, a tué le roi légitime Créon, père de Mégara, et s'est emparé du pouvoir. Certain de la mort d'Héraclès, il veut maintenant assassiner les enfants, la femme et le père du héros, voyant en eux des vengeurs possibles. Au début de la tragédie, la famille apparaît serrée autour de l'autel de Zeus sauveur. En se mettant sous la garde du dieu, le pauvre vieillard Amphitryon n'a pas eu d'autre dessein que celui de gagner du temps. Il garde encore l'espoir du retour de son fils. Mégara au contraire n'espère plus et, tout en pleurant sur le sort de ses jeunes enfants, en vient à penser qu'il vaudrait mieux abréger l'attente d'une mort certaine en abandonnant la protection de Zeus. Le chœur, composé de vieux Thébains, déplore le malheur de la famille.

Survient Lycos qui donne ordre à ses serviteurs d'entourer l'autel d'un cercle de flammes, pour que les victimes meurent sans être touchées. Le chœur, par la bouche du coryphée, prend la défense des victimes et serait disposé à combattre si Mégara, - une de ces figures de jeune femme héroïque chères à Euripide, - ne convainquait Amphitryon lui-même qu'il est préférable pour eux de mourir noblement sans être étouffes par les flammes. Avant de mourir. Amphitryon et Mégara implorent seulement une grâce, celle de rentrer dans leur maison pour se préparer à la mort. Lycos, imprudemment, leur accorde cette grâce. Dans le chant qui suit immédiatement, le chœur célèbre les exploits d'Héraclès et déplore sa propre vieillesse qui ne lui permet pas de s'opposer au tyran. Amphitryon et Mégara rentrent chez eux, accompagnés des enfants qui portent déjà leurs vêtements funèbres. Mégara épanche toute sa douleur devant la mort imminente de ses fils et invoque une nouvelle fois le secours de son puissant époux.

Mais voici que, par un coup de théâtre inattendu, le héros invoqué sans espoir apparaît brusquement, de retour des Enfers. Héraclès, dans un dialogue haletant avec Mégara, frémissante de joie, apprend la situation des siens et l'infamie de Lycos. « Que l'on jette ces signes de deuil ! », s'écrie le héros : il décide de massacrer Lycos et ses partisans. Amphitryon, d'accord avec lui pour souhaiter une vengeance totale, donne des conseils de prudence quant à son exécution. Plutôt que de soulever la ville, il vaudrait mieux qu’Héraclès supprime Lycos quand celui-ci se préparera à entrer dans la maison pour s'emparer de ses victimes. Ainsi le but essentiel de la vengeance sera-t-il atteint avec certitude. Héraclès consent et rentre chez lui, suivi de ses enfants, qui s'agrippent à ses bras comme s'ils craignaient de le perdre à nouveau ; il est - dit-il - comme un navire qui traine des radeaux à sa remorque. La joie qu'éprouve Héraclès à se sentir capable de défendre les siens s'impose à la fois au choeur et aux spectateurs. Après un chant du chœur, dont le thème est le regret de la vieillesse en même temps que l'exaltation de la poésie consolatrice, la vengeance s'accomplit. Dans la maison où l'attend Héraclès, Amphitryon fait entrer Lycos venu prendre ses victimes. Le tyran est tombé dans le piège et bientôt on entend ses cris désespérés à l'approche de la mort. Du chœur s'élève un chant de joie, mais cette joie est hors de propos ; elle montre bien la faiblesse et l'ignorance humaines, car le triomphe d'Héraclès n'a été permis par les dieux que pour rendre sa ruine plus terrible. Dans le ciel, à l'effroi du chœur, apparaît une divinité terrible, Lyssa d'une des Furies), accompagnée d'Iris, la messagère d'Héra (Junon). Iris annonce solennellement que Lyssa, sur l'ordre d'Héra, prendra possession de l'ombre d'Héraclès, lequel massacrera alors sa femme et ses enfants. Le destin d'Héraclès est si injuste et digne de compassion que Lyssa elle-même a pitié un instant du héros.

 

Un peu plus tard, on apprendra le terrible malheur, d'abord par un colloque entrecoupé entre le chœur et Amphitryon, puis, d'une façon plus détaillée, par un messager. Alors qu'il offrait un sacrifice de purification, Héraclès, à la stupeur même des assistants, est peu à peu devenu fou. Il s'est figuré être en voyage dans la cité d'Eurysthée, ce roi qui lui avait imposé ses travaux, et il a cru le tuer, lui et ses fils. Mais en réalité ce sont les siens qu'il a assassinés. Amphitryon allait subir le même sort quand Pallas Athéna, frappant Héraclès d'une pierre, l'a fait tomber dans une profonde léthargie ; les serviteurs ont alors pu le lier à une colonne. Après un bref et triste chant du chœur, les portes de la maison s'ouvrent et l'on assiste au douloureux réveil d'Héraclès. Peu à peu le héros reprend conscience, il s'étonne de l'état dans lequel il se trouve et apprend d'Amphitryon l'acte qu'il a commis. Un instant, il semble qu'il va se tuer et il invoque la mort. Mais,  dernier coup de théâtre, voici Thésée, le héros athénien, sauvé par Héraclès. Poussé par la reconnaissance, il est venu de l'Hadès où il était descendu pour porter secours à son sauveur, contre Lycos l'usurpateur. Ayant appris la catastrophe, tout en plaignant le héros comme le plus malheureux des hommes, il l'exhorte à ne pas attenter à sa vie. Héraclès réplique en énumérant la série de ses infortunes : pour lui, désormais souillé du sang des siens, il n'y a plus de vie possible. Thésée le réconforte et puisqu'Héraclès devra de toutes façons, après son meurtre, fuir le royaume de Thèbes, il lui propose de l'accueillir à Athènes. Héraclès hésite encore, puis dans une soudaine volte-face, accepte, avec résignation, de vivre : vivre sera désormais pour lui plus héroïque que mourir, car sa vie équivaudra à une véritable mort. S'appuyant aux bras de Thésée, le héros n'est plus maintenant « qu'un radeau traîné à la remorque d'un navire »

❖ Analyse

Cette tragédie, qui, par sa richesse même, a suscité chez les critiques de nombreuses et diverses interprétations, n'a pas à vrai dire, comme on l'a si longtemps prétendu, deux actions distinctes. Le fait qu'Héraclès sauve sa femme et ses enfants dans la première partie ne rend que plus mystérieuse et douloureuse la tuerie de la seconde partie. Il est juste qu'Héraclès donne son nom au drame : c'est un caractère entier et parfaitement cohérent, dans lequel le poète a su moderniser et humaniser les traits du héros antique tout en lui conservant sa grandeur. Un seul point parait tout d'abord surprenant : l'abandon soudain de la résolution de se donner la mort. Mais de cette décision naît l'admirable et nouvelle poésie qui enveloppe la tin de la tragédie : l'acceptation d'une vie sans éclat de la part d'un héros qui, dans sa jeunesse et dans sa force, avait cru à son invincibilité. Car c'est là la véritable signification poétiquement exprimée de ce drame : la force de l'homme le plus fort n'est que faiblesse en face des caprices inexorables du destin.