Divinités.

Netjer

Le terme égyptien pour divinité est "netjer", rendu depuis toujours par le hiéroglyphe ci contre. Ce signe ressemble à un bâton en forme de hache enveloppé d'un tissu ou d'une peau. Il s'agit peut-être le fétiche archaïque, d'un sceptre. Le déterminatif du mot est soit un faucon dressé sur un pavois, soit souvent aussi, depuis le Nouvel Empire, une figure accroupie portant la barbe divine. Dans les textes bilingues de l'époque ptolémaïque, le terme netjer est assimilé à Theos.


En copte, il s'est transformé en noute. Le terme « dieu » est aussi utilisé occasionnellement dans un sens général, sans qu'on se réfère pour autant à une notion de monothéisme. Titre abstrait, netjer peut toujours être attribué à toute divinité concrète. Dans les mains, les dieux tiennent le signe ankh (Vie) et souvent également le sceptre ouas (Puissance), symboles de la force vitale des dieux.

Horus
Horus

Les attributs spécifiques relatifs à l'activité ou à la nature du dieu sont portés sur la tête ou au lieu de la tête. Les coiffes divines par contre n'appartiennent pas à une divinité bien précise ; elles sont interchangeables et peuvent même être combinées. A partir de la 19e dynastie, les couronnes composites ont des formes de plus en plus compliquées ; elles contiennent une quantité d'allusions et de citations indiquant simplement les multiples activités et capacités de la divinité concernée. De même, les épithètes divines augmentent en nombre. Non seulement, elles servent aux louanges hymniques, mais elles disposent d'une réelle efficacité. La plus grande collection d'épithètes, souvent très poétiques, entoure la déesse Isis qu'on appelait pour cette raison à l'époque grecque celle qui a beaucoup de noms ou même celle aux dix mille noms.

L'adoration de divinités zoomorphes est attestée pour la première fois vers le milieu du quatrième millénaire avant notre ère. Des sépultures d'animaux, arrangées avec beaucoup de soin et pourvues d'offrandes, ont été découvertes à Maadi et à Héliopolis ainsi qu'à Badari et à Nagada. Ce sont des sépultures de chacals, de gazelles, mais aussi de béliers et de taureaux.

Nagada
Tête de taureau de Nagada
Brooklyn Museum

En même temps, les palettes cultuelles ont adopté des formes animales et portent bientôt aussi des figurations d'animaux en relief. De petites figurines représentant avec une grande vivacité des singes, des grenouilles, des hippopotames et d'autres animaux ont été créées vers la fin du millénaire.
La connaissance des capacités supérieures de l'animal s'exprime dans les noms des rois de la 1ere dynastie, comme «scorpion » ou « silure ». Mais à partir du moment où l'intellect humain prend le dessus, les forces divines commencent à prendre un aspect humain. La représentation anthropomorphe presque sans détails des membres est connue d'abord à peu près sans différence pour Min et pour Ptah. Pour Neith, Satis, ainsi que pour les divinités cosmiques, Geb, Nout et Shou, les représentations anthropomorphes n'existent vraiment qu'à partir de 2 700 avant notre ère. La forme composite associant des éléments animaux à des éléments humains est attestée pour la première fois à la Y dynastie. Ce type de représentation est alors tout aussi normal que la représentation purement anthropomorphe ou zoomorphe.

Isis
Isis

Généralement, la divinité anthropomorphe porte son attribut sur la tête ou au lieu de la tête. Souvent, il s'agit des hiéroglyphes indiquant son nom. L'autre version, corps animal avec une tête humaine, est exceptionnelle.
L'exemple de la déesse Hathor illustre bien les multiples possibilités de représentation. Le plus souvent, elle apparaît sous les traits d'une femme portant sur la tête des cornes de vache ainsi que le disque solaire. Dans d'autres cas, elle est assimilée à une vache, soit allaitant le roi, soit sortant de la montagne thébaine pour protéger le défunt. Rares sont les exemples où la déesse a un corps humain et une tête de vache. Les piliers hathoriques par contre sont très fréquents. Rappelant un fétiche, leur chapiteau montre de face une tête humaine pourvue d'oreilles de vache.
En outre, la déesse est figurée en lionne, cobra, hippopotame ou encore en déesse-arbre. Chacune de ces manifestations se réfère à un trait caractéristique de la déesse. Elles n'ont rien à voir avec son véritable aspect extérieur, car la forme réelle de la divinité reste en effet « cachée » et «secrète ». Seul le défunt, justifié et éclairé, a le droit de la connaître et est en mesure de le faire. Les textes religieux relatent la rencontre dans les rêves ou dans l'au-delà avec la divinité, mais elle n'est jamais décrite. Seule l'approche du dieu est perceptible, soit par un tremblement de terre ou une tempête, soit par son parfum ou son éclat lumineux.

Les diverses formes de représentations ne peuvent concrétiser qu'une partie de la nature divine dont la richesse ne peut être saisie et surtout pas rendue dans sa totalité. De là vient inévitablement la multitude des formes divines. Si deux ou plusieurs divinités sont associées, comme par exemple Amon et Rê en Amon-Rê, le nombre de formes d'apparition possibles se multiplie par les diverses combinaisons. Chaque divinité préserve néanmoins son autonomie sans être absorbée par l'autre divinité et la possibilité de mélanges est limitée. C'est pourquoi les tendances syncrétistes en Égypte n'aboutissent ni au panthéisme ni au monothéisme, même pas sous l'aspect solaire fort répandu : au contraire, le caractère polymorphe reste un trait typique du divin.
De même, l'image de culte est une forme, un corps de la divinité qu'elle peut habiter temporairement. Cachée dans le naos clos du sanctuaire, au fond de la partie intime et secrète du temple, elle est invisible aux laïcs. Seul le prêtre est autorisé à la visiter et à l'entretenir. Même lors des jours de fête, quand elle quitte sa demeure pour être portée en procession à travers la foule des croyants, un rideau la protège des regards. En de telles occasions, elle est cependant réceptive aux souhaits et aux demandes des hommes et elle rend même des oracles. Hormis les visites d'autres divinités et les « voyages de noce », les images de culte restent à leur place.

Il a dû exister néanmoins des sortes d'idoles itinérantes. Lors de son voyage au Liban à l'époque de Ramsès XI, vers 1070 avant notre ère, Ounamon avait emmené pour sa protection un« Amon de la route » qu'il devait toutefois dissimuler aux regards des voleurs. Plus tôt déjà, un long voyage avait été - entrepris par une « Ishtar de la route » que Toushratta, roi du Mitanni, avait envoyée de Ninive vers l'Égypte à son confrère souffrant, Amenhotep III.

L'animal vivant, considéré dans certains sanctuaires comme l'incarnation de la divinité et vénéré, est une forme particulière de l'image de culte. Tout comme dans l'image sculptée du sanctuaire, Ptah peut résider dans le taureau de Memphis, Khnoum dans le bélier d'Eléphantine et le dieu Sobek dans le crocodile de Kom Ombo. S'il s'agissait seulement au début d'un exemplaire unique et choisi de l'animal, à partir de la Basse Epoque on verra naître une zoolâtrie illimitée due à la conception que chaque taureau, chaque crocodile ou bélier pouvait incarner le dieu.
Le simple croyant a dû avoir autant de difficultés à établir une séparation stricte entre l'ibis en tant que demeure possible de Thot et le dieu lui-même que, plus tard, celui qui vénérait les icônes, pour distinguer l'archétype de la copie.