Le Grenier de Clio : Les religions.

Judaisme

La Bible fait débuter l'histoire de la religion juive à la révolte menée par Abraham contre le culte des dieux de sa Mésopotamie natale (l'Iraq) et à sa fuite vers le pays inconnu de Canaan (Israël). À sa foi profonde en un Dieu unique répond l'engagement formel de Dieu lui-même : «Je serai ton Dieu et celui de tes descendants, qui régneront pour l'éternité au pays de Canaan» (Genèse, XVII, 7). Lorsque la famine frappa le pays de Canaan, le petit-fils d'Abraham, Jacob (qu'un ange surnomma Israël), partit pour l'Égypte avec ses douze fils, en quête de nourriture. Ils y furent réduits en esclavage. Mais la promesse de Dieu à Abraham — faire de ses descendants une nation et leur offrir la terre de Canaan — commença de se réaliser lorsque Moïse prit la tête du peuple juif et le fit sortir d'Égypte (vers le mir siècle avant Notre Ere). Au cours d'un périple de quarante années vers la Terre promise, Moïse remit au peuple élu la Loi (religieuse, morale, économique, juridique, etc.) que Dieu lui avait révélée sur le mont Sinaï.

La loi écrite et la loi orale

Ces prescriptions révélées par Dieu sont codifiées dans la Torah (la «Loi»), ensemble des cinq premiers livres de la Bible (ou Pentateuque). La Bible juive (l'Ancien Testament des chrétiens) contient également les livres historiques des Prophètes et les 'Écrits, qui comportent notamment trois livres poétiques et moraux : Psaumes, Proverbes et Job.
La Torah énumère dans ses cinq livres les 613 commandements divins (les devoirs envers Dieu et envers autrui), ainsi que l'ensemble des commentaires religieux, mais aussi moraux et politiques, qui se sont développés autour de ces écritures. En effet, d'après la tradition, Moïse reçut, en plus des préceptes qu'il corrigea par écrit, un commentaire permettant de les interpréter et qu'il transmit oralement. Ainsi, c'est oralement que ces interprétations furent d'abord enseignées. Cependant la loi orale dut subir certaines codifications écrites, dont la Michna, au siècle. Cette compilation des enseignements des rabbins, composée de six ordres eux-mêmes subdivisés en 63 traités, embrasse tous les domaines de la vie : le sabbat, les fêtes, les rituels, les droits familial, agricole, civil et criminel, etc. Les commentaires de la Michna furent à leur tour consignés dans la Gemara. Ces deux recueils constituent le Talmud, vaste ouvrage de base de législation religieuse juive et complément exégétique de la Bible.

Les croyances

La religion juive est fondée sur la croyance en un Dieu unique et absolu, créateur et souverain de l'univers. La relation privilégiée qu'entretient le peuple d'Israël avec Dieu repose sur son engagement d'observer la Loi, la Torah. Mais, en réalité, chacun est libre d'obéir ou non à la parole divine : Dieu intègre l'humanité dans son projet, l'établissement de son royaume sur Terre, et promet une place réservée à tous les êtres vertueux. À la fin des temps, Dieu enverra le Messie (consacré par le Seigneur) inaugurer une ère de paix et de sécurité universelles.

Les rituels et le culte

Abraham, Sarah et Isaac
Griffith FOXLEY

La loi juive établit un ensemble complexe de lois, le kashrut, qui distingue les aliments autorisés (kasher) des aliments interdits (treifa). Seuls les mammifères aux sabots fendus et ruminants, tels les vaches et les moutons, sont bons à la consommation. Ces animaux doivent être tués par un exécuteur assermenté de manière à minimiser la souffrance de l'animal et à le vider le plus possible de son sang. Les poissons doivent posséder des nageoires et des. écailles (ce qui exclut anguilles et esturgeons), les fruits de mer et les oiseaux de proie sont proscrits. En outre, le lait et la viande ainsi que leurs dérivés ne sont ni cuits ni préparés ensemble, ni mangés au cours du même repas.
La journée juive commence au coucher du soleil; le dimanche est le premier jour de la semaine. Le Sabbat, jour de repos décrété par la Torah, est observé du vendredi soir au samedi soir s'inspire du récit de la Création selon lequel Dieu s'est reposé le septième jour. Pendant le Sabbat, les travaux  productifs, allumer des feux, transporter des charges, écrire, cuisiner, voyager (sauf pied, sur des distances réduites) tout cela est totalement interdit.
Les synagogues ont d'abord servi de lieux de culte temporaires puis définitifs après les deux destructions du Temple de Jérusalem par les Babyloniens en 586 avant Notre Ere, puis par les Romains en 70. Les noms hébreux de la synagogue, qui se traduisent par «lieu de rencontres», «lieu d'études» ou «lieu de prières», attestent son rôle central dans la vie religieuse juive.
Les offices liturgiques actuels font toujours référence à ceux de l'ancien Temple. De nombreuses synagogues intègrent d'anciens symboles juifs à leur décor tels que l'étoile de David, la menora (chandelier à sept branches) et les deux tables contenant les Dix Commandements (Exode, 20). L'assemblée des fidèles fait face à l'Arche contenant les rouleaux de la Torah, parchemins manuscrits réalisés par des scribes. Au-dessus de l'Arche, généralement dressée contre le mur qui fait face à Jérusalem, une lumière permanente indique la présence de Dieu.
Les offices sont célébrés le soir, le matin et l'après-midi. Une prière silencieuse que l'on récite débout, face à Jérusalem, s'insère au milieu de chaque office. Les prières du matin et du soir comportent toutes deux le Shema, principale déclaration de foi juive, qui commence par «Écoute, O, Israël, le Seigneur est notre Dieu; le Seigneur est un» (Deutéronome, 5). C'est également la dernière prière d'un juif sur son lit de mort.
La célébration d'un office dans les règles exige la présence d'un collège de dix hommes, le mynian. En son absence, on ne peut ni lire la Torah ni réciter les prières. Le rabbin, dont la principale fonction est d'enseigner et d'interpréter la Loi, peut confier à tout membre du mynian la direction des prières et la lecture de la Torah.

Les rites de passage

En signe d'alliance entre Dieu et les juifs, la Torah institue la circoncision des jeunes garçons. Un spécialiste, le mohel, procède à l'ablation du prépuce le huitième jour suivant la naissance.
À treize ans, le jeune juif accède à la responsabilité devant la Loi. Il devient alors bar mitzvah («fils du commandement»), un adulte du point de vue religieux. Il peut prendre part aux offices, faire partie du mynian et jouir du privilège de lire un passage de la Torah, en hébreu, au cours d'un service liturgique. Cette première lecture donne souvent lieu à une fête. Dans le judaïsme orthodoxe, les filles marquent leur douzième année par la cérémonie du bat chayil et, dans les cultes progressistes, elles deviennent bat mitzvah à l'âge de treize ans.

La cérémonie de mariage a lieu sous un dais, le chuppah, en général dans une synagogue ou en plein air. Quand l'époux a passé l'anneau à l'index de la mariée, le contrat de mariage est lu à haute voix. À la fin de la cérémonie, le jeune marié écrase un verre en souvenir
de la destruction du temple de Jérusalem. Dans les milieux orthodoxes, les célébrations se prolongent pendant une semaine et, chaque nuit, on répète les sept bénédictions.
La loi juive exige que le corps du défunt soit dès que possible enterré dans un sol consacré. Le corps est d'abord lavé, oint d'épices, enveloppé dans un drap blanc et placé dans un simple cercueil de bois. Lors des funérailles, les personnes atteintes par le deuil déchirent leurs vêtements; pendant un an et à chaque office, elles récitent le kaddish, ou déclaration de foi, dans la synagogue; puis chaque année, à l'anniversaire du décès.

Les traditions et les sectes juives.

Pour les juifs orthodoxes, toute autorité tient sa légitimité de la volonté divine telle qu'elle est exprimée dans la Torah et interprétée dans la tradition rabbinique. Le rôle principal de la raison humaine est de comprendre et d'appliquer les préceptes de cette Loi. L'observance des rituels et l'obligation d'étudier la Loi vont de pair avec la rigueur du comportement moral.
Le judaïsme orthodoxe a néanmoins engendré des traditions bien distinctes : la tradition askhénaze s'est développée dans les communautés d'Allemagne et de Pologne; la tradition séfarade est représentée par les juifs de tout le pourtour de la Méditerranée. Les sectes hassidiques d'Europe de l'Est et des communautés d'Orient et d'Afrique du Nord ont également cultivé leurs propres rites. La légitimité judaïque leur est reconnue aussi longtemps qu'elles ne remettent pas en cause le concept d'autorité divine.
Au xixe siècle et au début du xie siècle, diverses tendances modernistes ont vu le jour en Europe et aux États-Unis. Elles ont pris leur distance avec la stricte observance des rites traditionnels et orthodoxes et donné naissance à des courants réformateurs et libéraux. Ils rejettent la sùprématie de la Torah et l'autorité rabbinique et soutiennent que les pratiques juives devraient tenir compte de l'évolution du monde et des situations particulières : adoption de la célébration des offices dans la langue vernaculaire (en remplacement de l'hébreu); mise sur un pied d'égalité des hommes et des femmes en matière religieuse, etc. Même s'ils déclenchent les réactions des orthodoxes, ces mouvements témoignent de la vitalité d'une religion plus de trois fois millénaire.

Les principales fêtes juives.

L'année juive normale est divisée en 12 mois lunaires de 29 et 30 jours. On ajoute un mois supplémentaire à 7 années de chaque cycle de 19 ans afin de ramener le calendrier en phase avec l'année solaire.
La liste des noms des mois est la suivante : nisan (mars-avril), lyyar (avril-mai), sivan (mai-juin), tammuz (juin-juillet), av (juillet-août), ellul (août-septembre), tishri (septembre-octobre), cheshvan (octobre-novembre), kislev (novembre-décembre), tevet (décembre-janvier), shevat (janvier-février), adar (février-mars).

PESSAH (Pâques), 15-22 nisan. Repas formel pour commémorer l'Exode d'Égypte; également, à l'origine, action de grâces pour les récoltes d'orge. On ne mange pas de levain.
SHAVUOT (Pentecôte), 6-7 sivan. Commémore le don de la Torah; également, à l'origine, action de grâces pour les récoltes de blé.
JEUNE D'AV, 9 av. Vingt-quatre heures de jeûne en mémoire de la destruction du temple de Jérusalem par le Babylonien Nabuchodonosor en 586 avant notre ère et par les Romains en 70 de notre ère.
ROSH HASHANA, 1-2 tishri. Nouvel an; célèbre l'«Anniversaire du monde». On porte du blanc en signe de repentir et on souffle dans des cornes de bélier en mémoire de l'alliance d'Abraham avec Dieu.
YOM KIPPOUR, 10 tishri. Jour du Grand Pardon, marqué par 24 heures de jeûne et de prières pour le pardon des péchés passés.
SUKKOT (les Tabernacles), 15-22 tishri. Commémoration des quarante ans d'errance dans le désert; on mange et on dort dans des cabanes recouvertes de branchages. Également, à l'origine, action de grâces pour les récoltes.
SIMCHAT TORAH, 22-23 tishri. Marque l'achèvement du cycle annuel des lectures de la Torah et le début d'un nouveau cycle.
CHANUKAH ou HANUKKAH (Fête des lumières), 25 kislev-3 tevet. Des bougies sont allumées sur une menora, ou chanukah, à sept branches pour commémorer la nouvelle dédicace du temple de Jérusalem par Judas Maccabeus en I 65 avant notre ère.
TU B'SHEVAT, 15 shevat. Plantation d'arbres.
PURIM, 14 adar. Lectures du Livre d'Esther, dons charitables et envoi de cadeaux en mémoire de la libération des juifs de Perse sauvés de la destruction.

Voir aussi les récits bibliques.