Le Grenier de Clio : Mythologie grecque.

Caunos & Byblis

Les amours incestueuses de Caunos et Byblis ont été racontées par plusieurs auteurs antiques mais il existe deux versions selon à qui incombe la faute le premier.

Milétos est le fils d'Apollon et le fondateur de la cité de Milet en l'Asie mineure. C'était un beau jeune homme recherché pour sa beauté par les trois frères Minos, Sarpédon et Rhadamanthe qui se brouillèrent à son sujet. Plus tard, il se maria et son épouse porte des noms différents selon les auteurs. Il épousa soit Eidothea, fille de Eurytos ou Tragasia, fille de Celaenos ou Cyanee, fille du dieu-fleuve Méandre, ou Areia.

Voici les deux principales version de ce drame.

◆ Version 1

Pour Parthénios de Nicée (Passions d'amours, 11) Milétos épousa Tragasia dont il eut des jumeaux Caunos et Byblis. La faute initiale repose sur Caunos mais Byblis succombera aussi.

Byblis écrivant à Caunos
Konrad WITZ XVeme

Caunos, tomba éperdument amoureux de sa sœur, et mit tout en oeuvre pour la convaincre de son amour. Puis, voyant que tous ses efforts demeuraient sans résultats, désespéré, il décida de fuir Milet. Dès qu'il eut disparu, Byblis s'abandonna aux regrets ; et ne pouvant plus souffrir de vivre dans la maison paternelle où son frère avait vécu, elle alla chercher dans les bois la solitude. Après avoir longtemps erré, enfin succombant à sa douleur et n'espérant plus rien de son malheureux amour, elle se pendit. Comme elle avait versé un torrent de larmes, il se forma une fontaine que les gens du pays appelèrent la fontaine de Byblis.

« Telle dans un hallier nous entendons Philomèle lamenter les destins du jeune enfant de Thrace ; telle Byblis, apprenant la funeste résolution de son frère, exhale en mille plaintes ses douleurs inépuisables. Aux branches d'un vieux chêne qu'ont endurci les ans, elle attache sa ceinture, et ses maux ont fini. Les vierges de Milet viennent sur sa tombe déchirer leurs vêtements. »
Parthénios de Nicée, Passions amoureuses (XI)

Cependant, Caunos, qui menait toujours une vie errante, arriva en Lycie. La Naïade, Pronoe, sortant du lit du fleuve, lui apprit la cruelle destinée de Byblis. Elle essaya de le consoler, lui proposa de l'épouser, et lui offrit la souveraineté de cette côte, dont elle pouvait disposer à loisir. Caunos l’écouta et l'épousa. Il en eut un fils, nommé Aegialos, qui lui succéda, et qui, voulant assembler ses peuples jusque-là épars dans les villages d'alentours, bâtit auprès du même fleuve, une belle et grande ville, qu'il appela Caunos du nom de son père.

◆ Version 2

Byblis repoussée par Caunos
1743 Delvaux; Bode Museum

Pour  Ovide (Métamorphoses: IX, 446-665) Milétos épousa Cyané, la fille du dieu-fleuve Méandre et en revanche c'est Byblis qui se prend d'un amour interdit pour son frère.
Byblis, conçut pour son frère une passion criminelle; elle lui écrivit une lettre dans laquelle elle lui avoue son amour.

Elle se dresse sur le côté et, appuyée sur son coude gauche, dit : « À lui de voir ; avouons-lui mon amour insensé ! Cette idée lui convient et triomphe de sa raison indécise. Elle se dresse sur le côté et, appuyée sur son coude gauche, dit : « À lui de voir ; avouons-lui mon amour insensé !
Hélas, où suis-je entraînée ? Quel feu embrase mon coeur ? » D'une main tremblante, elle rédige le message qu'elle a projeté ; sa main droite tient le stylet, l'autre les tablettes à la cire intacte. Elle commence, puis hésite ; elle écrit, puis efface les tablettes ; elle note et elle biffe ; elle change le texte, le critique, l'approuve.
Tour à tour, elle pose les tablettes qu'elle a en mains, puis les reprend, une fois posées. Elle ne sait ce qu'elle veut ; ce qu'elle croit devoir faire lui déplaît de toute façon. Son visage trahit audace et gêne mêlées.
Elle avait écrit « soeur » ; elle jugea bon d'effacer « soeur » et de corriger les tablettes en gravant les mots suivants dans la cire « Ce salut qu'elle ne possédera que si tu le lui donnes, une amante te l'envoie ; ah ! elle a honte, honte de dire son nom !
et si tu cherches ce que je désire, je voudrais, sans me nommer, pouvoir plaider ma cause, sans que tu aies identifié Byblis avant que l'espoir de voir mes voeux réalisés n'ait été assuré.
Ovide Métamorphoses

Sa lecture lui cause un tel choc que Caunos s'en prend à l'esclave, porteur de la missive et il décide de chercher loin d'elle une tranquillité qu'il ne pouvait plus trouver dans la maison paternelle.

Caunos parti, Byblis le chercha longtemps inutilement, et s'arrêta enfin dans un bois où, à force de pleurer, elle fut changée en une fontaine ( ou en source) intarissable qui porte son nom. Pausanias dit que de son temps on voyait encore une fontaine qu'on appelait les "Pleurs de Byblis".
Pierre Louÿs reprit cette histoire sous la forme d'une nouvelle: Byblis ou L'enchantement des larmes (1898).

Antoninus Liberalis dans ses Métamorphoses (30) raconte une histoire identique mais seule la fin diffère et la mère qui se nomme Ediothée. Byblis, ne pouvant triompher de sa passion criminelle, résolut de se précipiter du sommet d'une montagne; les nymphes eurent pitié de son sort, lui communiquèrent leur immortalité, et l'admirent en leur compagnie en qualité d'Hamadryade.

On dit encore que de ses larmes s'est formée la fontaine que l'on appelle Boublis.

◆ Iconographie

Byblis pleurant
Jean CAMUS (1905)
Byblis et Eros poursuivant Caunos
Chaveau

◆ Sources antiques

pendu