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L' «art pour l'art» est demeuré longtemps inconnu dans l'Égypte ancienne; toute création avait un but pratique : assurer la prospérité et le triomphe de l'Égypte, procurer la survie des souverains et notables.

Le beau n'avait pas valeur en lui-même; nous dirions, en termes modernes, que l'intention suprême était d'action magique. L'artiste lui-même était un artisan, au service de cette énorme machinerie d'ordre religieux et funéraire. Il ne signait pas ses œuvres; les quelques artistes qui sont passés à la postérité le sont par des mentions de leur tombe ou de leur matériel funéraire.
La leçon de permanence et de pérennité qu'imposent l'art et la civilisation de l'Égypte pharaonique est due sans doute en grande partie à l'influence du milieu physique. Peu de pays possèdent une telle unité isolée géographiquement, l'Égypte a vu naître un art original, qui a peu emprunté aux autres cultures du monde antique. Au climat aussi correspond la stabilité de l'art égyptien : selon un rythme implacable, le soleil domine, dans un ciel d'une clarté exemplaire; l'année est soumise au cycle étonnamment précis de la crue du Nil. Tout imposait à l'Égypte les notions de rigueur et d'éternité.

Au service des croyances religieuses et des rites, l'art ne pouvait que procéder du traditionalisme le plus strict; il a peu évolué en trois millénaires; durant une courte période seulement, sous Akhenaton, la crise religieuse amarnienne s'est traduite par une sorte de libération des anciens canons.
L'architecture est à destination religieuse ou funéraire; seuls les temples et les tombes étaient construits en matériaux durables, bien que l'on connaisse également quelques palais et forteresses.
La statuaire est, elle aussi, funéraire (la statue étant considérée comme le réceptacle de l'âme du défunt) ou bien divine (les statues royales représentent le pharaon, dieu sur terre ou dans l'au-delà). Les reliefs sont dépendants de schémas religieux très stricts; seule la peinture, que l'on trouve surtout dans les tombes des notables du Nouvel Empire, manifeste une spontanéité et un certain naturalisme : mais ce n'était qu'un art de substitution destiné à remplacer à peu de frais le relief peint.
Cette verve se retrouve dans les arts mineurs, ainsi pour les cuillers à fard ou les pots à onguents; mais les bijoux eux-mêmes procèdent généralement des conventions de la symbolique religieuse.

Car tout est symbolisme dans l'art égyptien. Le temple, qui est la maison du dieu et le réceptacle de la puissance magique, doit être envisagé dans une perspective cosmique; son pavement s'exhausse et son plafond s'abaisse à mesure que l'on avance vers le saint des saints, là où est gardée la statue divine : cela accroît l'obscurité et la sensation de mystère; la pente du sol est également celle de la butte primordiale sur laquelle est apparue la création. Les supports (colonnes palmiformes, papyriformes ou lotiformes) représentent la végétation terrestre; le plafond orné d'étoiles et d'éléments solaires figure la voûte céleste. Les reliefs suivent le même ordre rigoureux. Aux façades des pylônes et sur les murs des cours, en plein air, les hauts faits royaux sont gravés, en creux généralement. Ils n'ont pas une valeur de réel récit historique, mais ils explicitent le mythe : Pharaon organise le cosmos contre les forces négatives du chaos. Dans les salles hypostyles et les pièces couvertes, les figurations et les textes, gravés en relief, sont d'ordre culturel : Pharaon dialogue seul avec les dieux; il leur adresse ses offrandes, ses louanges et ses prières; il en reçoit pour l'Égypte l'affirmation de multiples bienfaits. Symbolisme également dans l'art funéraire : le décor des parois des tombes, des sarcophages, du matériel funèbre, des bijoux eux-mêmes a valeur magique; il doit assurer la survie du défunt et le protéger des embûches de l'au-delà.

De nombreux principes régissent l'art égyptien. Dans la ronde-bosse, les défunts sont idéalisés tout comme les rois et les dieux, présentés dans une attitude sereine et digne : la loi de frontalité divise le corps en deux parties symétriques; les attitudes se répartissent selon un certain nombre de positions assez strictement définies. La statue est cependant un portrait, souvent sans doute fort ressemblant : ne doit-elle pas en quelque sorte fixer l'esprit du défunt et se substituer éventuellement à une momie trop endommagée? Le relief peint, qui a été le genre de prédilection des anciens Egyptiens, obéit lui aussi à certaines règles : la multiplicité des échelles permet de noter l'importance relative des personnages ou de mettre en évidence un détail significatif : les scènes sont figurées selon plusieurs angles de vue conjugués pour que chaque objet apparaisse sous son aspect le plus caractéristique. Ce type de dessin a été appelé aspective qui associe plusieurs points de vue dans la représentation d’un même personnage, alors que dans la vision naturelle, il n'y en a qu’un seul. Les épaules et l'oeil des personnages sont présentés de face, tandis que le reste du corps et du visage est vu de profil. Deux scènes se déroulant séparément dans le temps peuvent être placées l'une près de l'autre. Les hommes ont des chairs peintes en rouge, tandis que celles des femmes sont jaunes. La peinture obéit aux mêmes principes, mais avec plus de liberté, de pittoresque; elle a su très souvent s'affranchir des règles de l'art officiel. Par sa destination, c'est-à-dire en fonction de son efficience religieuse, l'art égyptien est conçu pour l'éternité. Aussi les monuments sont-ils construits en matériaux durables; les pierres les plus dures sont employées pour la ronde-bosse, les poses utilisées étant d'ordinaire celles qui se rapprochent le plus d'un bloc, pour éviter les risques de cassures; le même souci a peut-être présidé au choix du relief en creux ou en méplat, à l'exclusion du haut-relief.

L'art égyptien est un art profondément marqué par la religion et l'idée de la mort. Les sculpteurs et les peintres devaient représenter tous les objets que la personne désirait continuer à côtoyer après son décès. Comme ils voulaient reproduire l'intégralité des objets et non point seulement leur apparence extérieure, ils représentaient aussi ses parties invisibles. Les formes de l'art ont très peu changé tout au long de l'époque dynastique. Ce n'est que sous le règne d'Akhénaton (1372- 1354 avant notre ère) que les artistes se libérèrent des traditions.

Les égyptiens maîtrisaient de nombreuses techniques: des peintures sur papyrus ou sur poteries aux gravures sur pierre. Leurs plus grandes réalisations demeurent les décorations murales des tombes, comme celles de la vallée des Rois à Thèbes. Ils enduisaient un support en roche ou en brique d'une couche de plâtre lisse. Un dessinateur traçait des gabarits, à l'aide d'une grille de lignes rouges, ce qui permettait de respecter la convention selon laquelle les représentations humaines ne devaient pas excéder dix-huit poings de haut. Les peintres coloriaient ensuite les dessin. À partir de 3000 avant notre ère, les égyptiens travaillèrent les matériaux les plus variés, des panneaux de bois délicatement sculptés qui ornent le tombeau de Hezirê (environ 2620 avant notre ère), à Saqqarah, aux statues monumentales d'Aménophis III (environ 1370 avant notre ère) à Thèbes.

Parmi les nombreux chefs-d'œuvre de la statuaire égyptienne grandeur nature, . citons la magnifique sculpture en diorite venue de Nubie du pharaon Khéphren (IVe dynastie - vers 2600 avant notre ère) retrouvée dans la nécropole de Gizeh. On peut apprécier, grâce au contenu de la tombe du pharaon Toutankhamon, découverte en 1922, la grande diversité des statues enterrées dans les tombes royales. Les maisons et les temples primitifs étaient faits de matériaux organiques cimentés avec de la boue. Le mastaba, ou tombeau, ancêtre des pyramides, dérive des tombes prédynastiques. Ces dernières étaient de simples trous recouverts de sable, tandis que le mastaba est formé d'un puits ou d'un dédale de couloirs, recouvert de brique. Des mastabas des premières familles royales ont été exhumées à Saqqarah et à Abydos. C'est sous le règne de Djoser (vers 2800 avant notre ère) que le premier architecte connu, Imhotep, bâtit la première pyramide, à degrés, de Saqqarah. Depuis lors et jusqu'à la fin du Moyen Empire, presque tous les pharaons ont été enterrés dans des pyramides, le plus souvent en pierre. Les plus grandes et les mieux conservées sont celles de la IVe dynastie, à Gizeh.

Au XVIe siècle, les souverains furent inhumés dans des chambres funéraires secrètes afin d'éviter le pillage des trésors. Ces tombeaux étaient de longs couloirs ornés de peintures murales qui décrivaient des scènes religieuses. Les égyptiens construisaient leurs maisons en brique, mais les temples furent rapidement construits en pierre. Le vaste temple d'Amon, à Karnak, comporte tous les éléments de base du temple égyptien, dont une gigantesque salle hypostyle, à colonnes, de quelque 6 000 mètres carrés.
Le temple d'Edfou est dédié à Horus. C'est le mieux conservé de toute l' Égypte
Sous la dynastie des Ptolémées à partir de 305 avant notre ère), l'art égyptien ne fit que se survivre à lui-même, dénué de toute inspiration.

(Source : Grande Encyclopédie Larousse, 1971)