Sculpture

L'art de la sculpture n'est probablement précédé que par celui de la peinture des corps, dont il ne reste aucune trace. C'est donc la première forme artistique dont il subsiste des témoignages archéologiques.

Willendorf.
Vénus de Willendorf

il y a près de 30 000 ans, les premiers hommes, qui vivaient de la chasse et de la cueillette, réalisaient des figurines en argile, en os, en pierre, en bois et en ivoire. Des exemplaires ont été retrouvés en divers endroits d'une vaste région s'étendant de l'Espagne à la Sibérie. Leur forme est animale (elles représentent alors des ours ou des chevaux) ou humaine. Certaines statuettes comme la Vénus de Willendorf, découverte en Autriche, représentent des femmes aux fesses et aux seins très développés, qui intervenaient probablement dans un culte de la fertilité.

Le spécimen classique représentatif de la sculpture paléolithique reste la statuette de femme trouvée au XXe, mille fois reproduite depuis et qu'on appelle la Vénus de Willendorf. Il faut y voir un document authentique de l'idéal esthétique de cette époque et non un témoignage des formes féminines. Une telle adiposité représente, aujourd'hui encore, chez certains peuples le summum de la beauté féminine. La représentation des formes corporelles dans ce petit chef-d'œuvre décèle une virtuosité étonnante. Il ne faut pas imputer à l'incapacité de l'artiste le fait d'avoir relégué au second plan les traits du visage qui, d'après lui, avaient moins de signification que le corps, et lui importaient également moins que la reproduction minutieuse d'une savante coiffure. Cette Vénus de Willendorf est le chef-d'œuvre incontesté d'un éminent artiste, anonyme comme tous ses congénères de la préhistoire. Les statuettes découvertes à Brassempouy, dans le Midi de la France, et à Mayence (à l'état de fragments), qui lui sont comparables du point de vue du style, ont moins de finesse et de vie. L'abondance des hanches (stéatopygie) est la règle fondamentale de cette création artistique, qui se maintiendra à l'époque néolithique.

Brassempouy
Brassempouy

Si, chez la femme de Willendorf, les traits du visage sont absents d'autres figurines montre des figures humaines comme la vénus de Dolni Vestonice.
La tête de la dame de Brassempouy, gravée sur de l'ivoire de mamouth, a été découverte dans les Landes en France et dont la datation est estimée à 23000 ans.
Le front, le nez et l'arcade sourcilière sont figurés en relief mais la bouche est absente. Sur la tête, un quadrillage formé d'incisions perpendiculaires peut être interprété comme une perruque, une capuche ou plus simplement une figuration de la chevelure qui retombe avec élégance de part et d'autre du cou .
Toutefois dans bien d'autres statuettes les parties les plus représentatives du corps, selon notre conception actuelle, sont encore plus négligées. La tête, par exemple, est indiquée seulement par une prolongation informe du corps ou bien manque totalement.

C'est précisément à travers l'évolution de la reproduction du corps féminin au cours de plusieurs millénaires qu'on peut étudier nettement les tendances de l'art paléolithique. Au commencement, on trouve le naturalisme intégral de la statuette de Willendorf, auquel se substitue graduellement une tendance à la simplification, une réduction à l'essentiel. Du corps féminin, il ne reste plus qu'un bâton auquel sont accrochés deux seins, ou une construction en forme de fourche dont le sens n'est perceptible que si l'on a suivi le processus complet.
Cependant, dans l'art du dessin, la stylisation a pris une autre direction. Dans une image gravée sur une plaque d'ivoire de mammouth trouvée en Moravie, un corps de femme est, pour ainsi dire, distribué, comme dans un dessin industriel, en un certain nombre de figures géométriques.
Le nombre des œuvres dans lesquelles le visage est traité en détail est fort restreint. Parmi ces inappréciables témoignages du véritable type humain à l'époque paléolithique, seules deux œuvres ont une réelle valeur artistique: une petite tête d'ivoire trouvée en France et une sculpture de la même matière trouvée à Wisternitz, en Moravie. Ces visages sont d'un modernisme surprenant et leurs traits délicats ne rappellent nullement la promiscuité de l'homme et des bêtes.

Les représentations plastiques d'animaux ne le cèdent en rien aux images humaines d'un réalisme saisissant. Les sculptures proprement dites sont rares, mais les objets usuels en os sont ornés d'images sculptées sur le manche d'un poignard, un bouquetin, en haut- relief, se détache, tel que le chasseur a pu souvent l'apercevoir en arrêt sur le bord d'une paroi rocheuse. L'extrémité recourbée du manche d'un propulseur de javelot prend la forme d'une tête d'animal. A l'encontre de mainte production moderne, l'exécution artistique ne porte jamais préjudice à la fonction de ces objets, qui peuvent être classés sous la rubrique de l'artisanat. Une vue d'ensemble de cet art permet de conclure que l'ornementation des objets destinés à un usage quelconque n'a pas pour seule raison d'être le plaisir d'embellir, mais sert également à des fins magiques.

laussel
La Vénus de Laussel

Un petit groupe de bas-reliefs provenant du paléolithique récent appuie cette remarque: la tête d'un cheval sauvage au relief peu accusé, minutieusement travaillé, trouvée en France et dont il ne reste malheureusement que des fragments. Des fouilles pratiquées dans une grotte de la vallée de la Lone, dans le Jura souabe, ont permis de découvrir six images en relief, restées intactes, d'animaux de l'âge glaciaire, dont toujours trois proviennent de deux stratifications différentes. Conçues dans un esprit distinct, elles se ressemblent par la netteté dans la caractérisation des traits saillants du mammouth, du cheval et du chat sauvage. On trouve également des œuvres impressionnantes de grand format exécutées en pierre et en argile.

Des reproductions de figures humaines sur des blocs de rochers à Laussel en France (celle d'un homme en particulier) sont nettement inférieures aux sculptures proprement dites.

Cette sculpture, qui conserve des traces d'ocre rouge, mesure 40 cm de haut. Elle est représentée de face, la main gauche sur le ventre, l'autre tenant une corne de bison à la hauteur de la tête, tandis que ce qui paraît être la chevelure tombe sur l'épaule gauche. Le visage est tourné vers la corne (mais certains dont l'inventeur y voient l'inverse). L'adiposité des fesses et des hanches est bien nette et rappelle celle des statuettes.

Par contre, une frise d'animax découverte ail Roc (lieu qui servait sans doute à la fois de sanctuaire et d'atelier) compte parmi les meilleures représentations animalières de l'âge paléolithique.

Le plus remarquable sans aucun doute est le groupe en argile d'un bison mâle et d'un bison femelle, découvert dans la grotte de Tuc d'Audoubert, dans le Midi de la France, et préservé de la destruction par une colonne de stalagmites. Les deux animaux sont représentés au moment de l'accouplement. Des empreintes de talons humains sur le sol argileux de la grotte témoignent que les hommes de l'âge glaciaire célébraient un culte totémique en cet endroit de la montagne.

trois freres
Les bisons de la grotte des Trois-frères

Dans une attitude de contrainte, devant l'image des animaux, ils exécutaient sur les talons la danse sacrée du bison, comme le font les Indiens d'Amérique du Nord dans des circonstances semblables.

La grotte de Montespan, dans les Pyrénées, renferme également une sculpture en argile représentant un ours brun, dont le corps n'est pas véritablement sculpté (il était peut-être seulement recouvert d'une peau d'ours, et la tête était celle d'un ours véritable). Cette sculpture porte d'innombrables dégradations produites par des estocades. Manifestement, la bête que l'on voulait abattre était tuée en effigie. Si le groupe de bisons de Tuc d'Audoubert était destiné aux cérémonies magiques de la fécondité, l'ours de Montespan était voué à une magie destructrice.
Des outils, notamment des propulseurs, sont aussi ornés de reliefs obtenus selon la technique de la sculpture en ronde bosse. Ces outils décorés apparaissent plus tardivement que les premières figurines, à l'époque où se développe l'art pariétal.