Le Grenier de Clio : Mythologie mésopotamienne.

Arbre Huluppu

D’après le texte Inanna and the Huluppu Tree Inanna Queen of Heaven and Earth – Diane Wolkstein & Samuel Norah Kramer . La tablette XII est un prologue à L’Epopée de Gilgamesh. C’est en 1939 que Samuel N. Kramer fait publier Gilgamesh and the Huluppu Tree, fruit de ses travaux de traduction sur le texte sumérien d’origine.

Le texte débute par une description de la création du monde et son partage entre les grandes divinités, An, Enlil et Ereshkigal.

« Un petit arbre huluppu croissait au bord de l’Euphrate, qui le nourrissait de ses eaux. Un jour, le vent du sud l’attaqua sauvagement, et le fleuve submergea l’arbuste. Inanna, la déesse, l’emporta en sa ville d’Uruk. Elle le planta dans son jardin sacré et le soigna du mieux qu’elle put, car elle avait l’intention, une fois qu’il aurait grandi, de tirer de son bois un siège et un lit. »

« Des années passèrent, et il finit par devenir grand. Mais lorsque Inanna voulut l’abattre, elle s’en trouva fort empêchée : le Serpent avait fait son nid au pied de l’arbre, l’oiseau Imdugud avait installé ses petits au sommet, et Lilith avait construit sa maison dans les branches. Ce que voyant, la jeune déesse, d’habitude si gaie, se mit à verser des larmes amères. »

« Le lendemain quand le dieu du soleil Utu, son frère, sortit à l’aube de sa chambre, elle lui raconta en pleurant ce qui était advenu de l’arbre huluppu. Sur ces entrefaites, Gilgamesh, ayant sans doute entendu ses doléances, vint à son secours de chevaleresque façon ; il endossa son armure, qui pesait cinquante mines ; et avec sa hache, qui pesait sept talents et sept mines, il tua le Serpent. Épouvanté, l’oiseau Imdugud s’envole à tire-d’aile vers la montagne avec ses petits ; quant à Lilith, elle s’enfuit dans le désert sans demander son reste. Alors aidé par les hommes d’Uruk qui étaient venus avec lui, Gilgamesh abattit l’arbre et le donna à Inanna, afin que, de son bois, elle tirât un lit et un siège comme elle en avait l’intention. » « Mais il faut croire que la déesse avait changé d’idée ; elle se servit du tronc de l’arbre pour faire un pukku (sans doute une sorte de tambour) et, avec l’une de ses branches, elle fit un mikku (une baguette de tambour). »

Huluppu

Dans les premiers jours, dans les tous premiers jours,
Dans les premières nuits, dans les toutes premières nuits,
Dans les premières années, dans les toutes premières années,

Aux premiers jours quand tout ce qui était nécessaire fut amené à exister,
Aux premiers jours quand tout ce qui était nécessaire était nourri correctement,
Quand le pain était cuit dans les sanctuaires du pays,
Et le pain fut goûté dans les maisons du pays
Quand le ciel s'éloigna de la terre,
Et que la terre se sépara du ciel,
Et que le nom de l'Homme fut fixé,
Quand le dieu du ciel, An, eut remporté les cieux,
Quand le dieu de l'Air, Enlil, eut remporté la terre,
Quand la Reine du Grand Dessous, Ereshkigal, reçut le monde souterrain pour royaume

Il fit voile; le Père fit voile,
Enki, le Dieu de la Sagesse, fit voile pour le monde d'en bas
De petites pierres de vent furent jetées contre lui;
De gros grêlons furent lancés contre lui;
Comme des tortues qui se ruent,
Elles chargèrent la quille du navire d'Enki.
Les eaux de la mer dévorèrent la proue de son bateau comme des loups,
Les eaux de la mer frappèrent la poupe de son bateau comme des lions.

À ce moment, un arbre, un seul arbre, l'arbre huluppu
Fut planté sur les rives de l'Euphrate.
L'arbre était nourri par les eaux de l'Euphrate.
Le vent du Sud s'éleva en tournoyant, tira sur ses racines
Et arracha ses branches
Jusqu'à ce que les eaux de l'Euphrate l'emportent au loin.

Une femme, qui marchait craignant la parole du dieu Ciel, An,
Qui marchait craignant la parole du dieu Air, Enlil,
Prit l'arbre dans la rivière et dit :
« Je porterai cet arbre à Uruk.
Je planterai cet arbre dans mon jardin sacré ».

Inanna prit soin de l'arbre de sa main.
Elle tassa la terre autour de l'arbre avec ses pieds.
Elle se demanda :
« Combien de temps faudra-t-il avant que je n'aie un trône brillant sur lequel m'asseoir?
Combien de temps cela faudra-t-il avant que je n'aie un lit brillant sur lequel me reposer? »

Les années passèrent; cinq ans, puis dix ans.
L'arbre grandissait,
Mais son écorce ne s'est pas fendue.
Puis un serpent qui ne pouvait pas être charmé
Fit son nid dans les racines de l'arbre huluppu.
L'oiseau Anzu installa ses petits dans les branches de l'arbre.
Et la sombre jeune fille, Lilith, construisit sa maison dans le tronc.

La jeune femme qui aimait rire pleura.
Ô combien Inanna pleura !
(Mais ils ne quittèrent pas son arbre).

Et les oiseaux commencèrent à chanter à la venue de l'aube,
Le dieu Soleil, Utu, quitta sa chambre royale.
Inanna appela son frère Utu, disant :
« Ô Utu, aux jours où les destins furent décrétés,
Où l'abondance débordait dans le pays,
Lorsque le dieu Ciel prit les cieux et le dieu Air prit la Terre,
Lorsque Ereshkigal reçut le Grand Dessous comme royaume,
Le dieu de la Sagesse, Père Enki, fit voile pour le monde d'en bas
Et le monde d'en bas se souleva et l'attaqua…

À ce moment, un arbre, un seul arbre, l'arbre huluppu
Fut planté sur les bancs de l'Euphrate.
L'arbre était nourri par les eaux de l'Euphrate.
Le vent du Sud s'éleva en tournoyant, tira sur ses racines
Et arracha ses branches
Jusqu'à ce que les eaux de l'Euphrate l'emportent au loin.
J'ai ramassé l'arbre dans la rivière;
Je l'ai apporté à mon jardin sacré.
J'ai soigné l'arbre, attendant pour mon trône et mon lit brillant.

Puis un serpent qui ne pouvait pas être charmé
Fit son nid dans les racines de l'arbre,
Et l'oieau-Anzu installa ses petits dans les branches de l'arbre,
Et la sombre jeune fille, Lilith, construisit sa maison dans le tronc.
J'ai pleuré.
O, combien j'ai pleuré!
(Mais ils ne quittèrent pas mon arbre).

Utu, le vaillant guerrier, Utu,
N'aida pas sa sœur, Inanna.

Comme les oiseaux commençaient à chanter à la venue de la seconde aube,
Inanna appela son frère Gilgamesh, disant :
« Ô Gilgamesh, , aux jours où les destins furent décrétés,
Où l'abondance débordait dans le pays,
Lorsque le dieu Ciel prit les cieux et le dieu Air prit la Terre,
Lorsqu'à Ereshkigal reçut le Grand Dessous comme royaume,
Le dieu de la Sagesse, Père Enki, fit voile pour le monde d'en bas
Et le monde d'en bas se souleva et l'attaqua…
À ce moment, un arbre, un seul arbre, l'arbre huluppu
Fut planté sur les bancs de l'Euphrate.
L'arbre était nourri par les eaux de l'Euphrate.
Le vent du Sud s'éleva en tournoyant, tira sur ses racines
Et arracha ses branches
Jusqu'à ce que les eaux de l'Euphrate l'emportent au loin.
J'ai ramassé l'arbre dans la rivière;
Je l'ai apporté à mon jardin sacré.
J'ai soigné l'arbre, attendant pour mon trône et mon lit lumineux.

Puis un serpent qui ne pouvait pas être charmé
Fit son nid dans les racines de l'arbre,
Et l'oiseau-Anzu installa ses petits dans les branches de l'arbre,
Et la sombre jeune fille, Lilith, construisit sa maison dans le tronc.
J'ai pleuré.
Combien j'ai pleuré!
(Mais ils ne quittèrent pas mon arbre).

Gilgamesh le vaillant guerrier, Gilgamesh
Le héros d'Uruk, se tint près d'Inanna.

Gilgamesh fixa son armure de cinquante mines autour de sa poitrine.
Les cinquante mines pesaient pour lui aussi légèrement que cinquante plumes.
Il leva sa hache de bronze, sa hache de route,
Qui pesait sept talents et sept mines, sur son épaule
Il entra dans le jardin sacré d'Inanna.

Gilgamesh frappa le serpent qui ne pouvait pas être charmé.
Les oiseaux-Anzu s'envolèrent dans les montagnes;
Et Lilith brisa sa maison et prit la fuite vers des lieux sauvages et inhabités.
Gilgamesh desserra les racines de l'arbre huluppu;
Et les fils de la cité, qui l'accompagnaient, coupèrent les branches.

Dans le tronc de l'arbre, il sculpta un trône pour sa sainte sœur.
Dans le tronc de l'arbre, Gilgamesh sculpta un lit pour Inanna.
Des racines de l'arbre, elle fabriqua un pukku pour son frère.
De la cime de l'arbre, Inanna fabriqua un mikku pour Gilgamesh, le héros d'Uruk.

 

Les termes de pukku et mikku sont difficiles à interpréter pour certains c'est un tambour et ses baguettes et pour d'autres un arc et ses flèches; On sait qu'ils sont tombés aux enfers à cause des plaintes des jeunes filles. Gilgamesh essaya en vaoin de les récupérer. Il est venu s’asseoir devant la porte des enfers et se plaignit ainsi :

Ô mon pukku ! Ô mon mikku !
Mon pukku à la vigueur irrésistible !
Mon mikku à la danse rythmée sans égale !
Mon pukku qui était avec moi auparavant
dans la maison du charpentier.
La femme du charpentier était alors avec moi
comme la mère qui m'a donné le jour,
La fille du charpentier était alors avec moi
comme une jeune sœur.
Mon pukku, qui le rapportera des Enfers ?
Mon mikku, qui le rapportera des Enfers ?

Enkidu descend ensuite aux enfers pour les ramener; mais il ne respecte pas les règles de conduite du monde souterrain, et il doit y demeurer. Plus tard Enki lui permettra de retourner voir Gilgamesh à qui il va décrire les enfers en détail. "Pukku et Mikku" ne sont plus mentionnés.