Faust

Le "Faust" a occupé Goethe sa vie durant. Le Faust primitif, l'Urfaust, remonte à 1773; publié en 1887, il est imprégné par l'angoisse de la jeunesse.

Goethe fait paraître en 1790 Faust, ein Fragment, puis en 1808. Faust, eine Tragédie, qui reprend les versions antérieures, en les corrigeant dans le sens de l'espoir. L'Urfaust s'achevait sur la condamnation de Marguerite; maintenant, au sarcasme de Méphisto : Sie ist gerichtet (« Elle est jugée »), réplique la voix céleste qui proclame : lst gerettet! (« Elle est sauvée!»). Avec cet épisode de Marguerite, séduite, abandonnée, infanticide, expiant dans l'égarement et le repentir, le drame philosophique s'humanise; Faust, comme Goethe lui-même, est un être complexe, que la multiplicité de ses contradictions vouait à la synthèse sublime.

Faust et Marguerite
Faust et Marguerite par Ary Scheffer

Contemplatif attiré par l'action, savant austère captivé par la jeunesse et l'amour, aspirant ä la mort et sans cesse reconquis par la vie, il demande tour ä tour à un Méphistophélès un peu dépassé de satisfaire le Wissensdrang (aspiration au savoir), le Schaffensdrang (ambition de créer) et le Lebensdrang (appétit de vivre), qui font l'homme intégral; Marguerite y ajoute le malheur et la faute, avec le don unique de la pureté première. Cette vision de Faust, image de l'humanité en quête, nourrit le vaste drame symbolique du second Faust, auquel Goethe a travaillé depuis longtemps et qui est le chef-d'œuvre de sa vieillesse — mis au net pour son quatre-vingt-deuxième anniversaire, le 28 août 1831. Cette œuvre de la vieillesse est celle de la synthèse et de la sérénité. Régénéré par la nature, Faust connaîtra désormais une existence chargée d'actions et d'œuvres. une vie politique, que la quête d'Hélène, évoquée des Enfers après la descente auprès des Mères primitives, transforme en conquête de la Beauté et qui s'achève par les grandes entreprises du magicien devenu ingénieur, colonisant, transformant et fécondant la nature.

Ayant ainsi vécu d'une vie complète, Faust meurt dans le salut apporté par l'Eternel féminin (dus ewig Weibliche), qu'incarnent Marguerite, Hélène et la Vierge Marie, et qui correspond à la Sophia des gnostiques et du philosophe inconnu Louis Claude de Saint-Martin (1743-1803).

Cette influence et celle de Jakob Böhme sont sensibles dans ce drame immense, où il faudrait encore étudier les symbolismes de l'Homunculus et d'Euphorion, le fils de Faust et d'Hélène. Le mythe est tout entier animé par cet énergique mouvement de conquête de la lumière, qui est comme l'âme même de Goethe.

Tout différent est le Faust romantique, tel celui de Chamisso (1803), désespéré par la philosophie kantienne, qui interdit tout accès à la vérité essentielle, et en proie au désir du néant. Aussi sombre et, en quelque sorte, byronien sera le Faust de Lenau, paru en 1835 et complété en 1840; Méphisto explique que la vie est indifféremment naissance et mort, amour et haine; Faust parcourt donc le cycle implacable et absurde, rêve confus où l'individu passe comme une ombre.

Faust
Faust et Marguerite en prison par DELACROIX

On sait que Lenau a écrit aussi un Don Juan; les deux légendes tendent alors à se rejoindre dans l'ouvrage de N. Vogt et surtout dans le Don Juan et Faust de Crabbe. Abondamment illustrée, avec des fortunes assez médiocres, par Klingemann (1777-1831), Karl von Holtei (1798. 1880). etc., la légende a encore tenté Heine, qui, en 1847, en fait l'argument d'un ballet, Der Doktor Faust, ein Tanzpoem, puis va dégénérant à travers des œuvres multiples.

Hors d'Allemagne, l'œuvre de Goethe a suggéré à Pouchkine une Nouvelle Scène entre Faust et Méphistophélès (1826), où l'on voit Faust en proie au mal russe, celui d'Oblomov, l'ennui.

En France, elle bénéficie de la traduction de Gérard de Nerval et inspire peintres et lithographes tels que Delacroix, Méphistophélès apparaissant au docteur Faust.
Méphisto : Pourquoi tout ce vacarme? Que demande Monsieur? Qu'y fit-il pour son service? et Ary Scheffer.

Au Danemark, Kierkegaard médite sur Faust, le douteur, dans Crainte et tremblement, et, en Espagne, Juan Valera, fin connaisseur de Goethe, s'amuse, en 1875, à un satirique Doctor Faustino. On pourrait citer encore la parodie de Friedrich Theodor Vischer, qui a imaginé un troisième Faust, tout burlesque. A vrai dire, c'est à la musique que la légende doit alors ses bonheurs les plus éclatants, et la faveur dont elle jouit dans le grand public, avec Robert Schumann (Szeren aus Goethes Faust, 1844-1853) Berlioz (la Damnation de Faust, 1846) et même Gounod (Faust, 1859) et l'Italien Boito (Mefistofele, 1868).

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