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Le Tibet, comme toute l'Asie, doit traiter avec Gengis khân ou périr sous ses coups. En 1207, adoptant une attitude sagement diplomatique, le Tibet fait serment de vassalité au grand khân et s'engage à lui fournir un tribut substantiel, qui, du reste, ne sera plus payé à la mort de Gengis.


A l'avènement du Kubilây khân en 1260, un religieux tibétain, Phagspa (1235-1280), favori de Kubilây, est investi d'un véritable pouvoir temporel sur treize districts du Tibet central établissant ainsi pour la première fois dans l'histoire du Tibet les fondements d'un pouvoir théocratique. Mais, au milieu du XIVe siècle, l'influence mongole de la dynastie Yuan s'amenuisant au fur et à mesure de l'opposition nationale chinoise, le clan religieux des Sa-skya-pa perd de son pouvoir; celui-ci tombe dans les mains d'une autre famille, les Lang, qui contrôlent tout le Tibet central et qui se disent héritiers de l'ancienne monarchie.

Essor de la Théocratie.

A la fin du XIVe siècle , un grand réformateur religieux, Tsong-kha-pa (1355-1417), renforce le pouvoir religieux en y introduisant une série de transformations sur le plan culturel et sur celui de la rigueur morale. La liturgie lamaïque, avec toute sa pompe, prend alors forme. Tsong-kha-pa met au ban la magie; rétablissant le célibat des moines, interdisant les boissons fermentées, il édicte un code monacal très précis et fonde la secte des Bonnets jaunes (Gelugpa).
Les Ming héritent du Tibet lors de la disparition des Yuan (Mongols). L'autorité de l'héritier de Tsong-khapa est officiellement reconnue et avalisée par l'Empire du milieu. Les pontifes tibétains sont dépouillés de toute force militaire, mais leur pouvoir religieux est tel qu'ils traiteront avec mépris les empreurs Ming.
Il est utile de noter que la théocratie tibétaine n'est en aucun point une variation du bouddhisme tibétain, mais une institution profondément mongole de par son essence et son organisation. Le mot dalaï (océan) est mongol et fut attribué en 1578 par Altan khân (1543-1583) au troisième successeur de Tsong-kha-pa. Vers le XVIIe siècle une autre entité temporelle accompagne le dalaï-lama; c'est le panchen-lama.
Les Bonnets jaunes, quant à eux, se tiennent pendant une grande période à l'écart de toute arène politique. Au XVe siècle, ils sont mis en demeure de s'intéresser aux choses de ce monde par l'irruption, dans l'histoire tibétaine, d'une autre secte, celle des Bonnets rouges (Karma-pa), elle-même fortement épaulée par les princes de Chigatse. En 1641, ils font appel aux Mongols Kochots du Koukou Nor, dont le chef, Gushi khân, défait les princes partisans de l'Eglise rouge. En 1642, Gushi khân offre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel au cinquième dalaï-lama tout en conservant habilement le pouvoir militaire et le droit de collecter certains impôts pour ses troupes. Le pouvoir temporel du dalaï-lama surgit ainsi dans l'histoire.
De cette époque à nos jours, il y aura quatorze dalaï-lamas.

Avec le renouveau des canons et de la liturgie tibétaine amorcé par Tsongkha-pa, un courant d'ascèse et de réforme monacale parcourt le Tibet. La pratique de la réincarnation est définitivement admise pour les dalaï-lamas. Pouvoir temporel et pouvoir spirituel coexistent. Les communautés de très grands monastères se répandent sur l'ensemble du pays. La lamaserie, restreinte à l'origine, prend les proportions d'une ville ceinte d'une imposante muraille fortifiée, chaque lama détenant sa propre maison avec le disciple qui lui est dévoué. Certains monastères rassemblent plusieurs milliers de moines et possèdent leur bibliothèque, leur imprimerie, leurs magasins de nourriture; ils gèrent en féodaux de vastes domaines, collectant impôts et revendant des marchandises importées de Chine, du Népal, du Cachemire. Parfois, les monastères se constituent en noyaux sociopolitiques, tels ceux de Galdan et de Tachi Lumpo ainsi que le célèbre Potala.
Une famille tibétaine se doit de donner un ou plusieurs lamas. Non loin des monastères existent des ermitages, alvéoles dans les rochers, les grottes, où certains moines pratiquent l'ascèse mystique. D'autre part, le Tibet est sillonné par d'interminables pèlerinages, qui déplacent de vastes mouvements de foules et qui sont souvent prétexte à des activités marchandes fructueuses. Ces pèlerinages, parfois, conduisent les Tibétains en Inde, à Gayà (Bodh-Gayà), lieu du sermon de Bouddha, ou en Chine, à Wutaishan .
Cette période de l'histoire tibétaine est profondément marquée par la personnalité du cinquième dalaï-lama, Ngag-dbang-blo-bzang (1617-1682), appelé « Grand Cinquième ». Erudit et politicien subtil, celui-ci étend son influence vers les confins de l'Asie centrale, territoires des clans mongols. Bâtisseur et homme de religion, il édifie le célèbre Potala à Lhassa, à l'endroit même où se dressait le château construit par le roi Srong-btsansgam-po. Avant sa mort, il assure sa succession en élevant dans le plus grand secret le sixième dalaï-lama. Mais, au début du XVIIIe siècle, le régime lamaïque subit une éclipse : le pouvoir temporel du septième dalaï-lama est confisqué par un conseil d'Etat composé de membres de la haute aristocratie. En 1726, une guerre civile éclate entre partisans du dalaï-lama et ceux de l'aristocratie. De ce conflit, la noblesse sort victorieuse : Pho-la-nas Bsod (1689-1747), un aristocrate du Tsang, s'empare du pouvoir et gouverne en paix le Tibet pendant presque vingt ans. Mais en 1750, à la mort de son successeur, les dalaï-lamas reprennent le pouvoir, qu'ils garderont jusqu'en 1912.

Source: Grande Encyclopédie Larousse 1971