Le Grenier de Clio : Littérature grecque.

Hymnes

Ces hymnes composés en l'honneur des dieux par Callimaque de Cyrène.

Les quatre premiers, adressés respectivement à Zeus, Apollon, Artémis, Délos, sont formés d'hexamètres, en dialecte ionien : le cinquième est en distiques élégiaques et en dialecte dorien littéraire, analogue à celui de Théocrite le sixième, consacré à Déméter, est en pur dialecte dorien (distiques élégiaques). La forme extérieure de ces Hymnes et la langue des quatre premiers sont homériques. Cependant leur inspiration est moderne, lyrique plutôt qu'épique et plus influencée par le culte et ses traditions que les poèmes homériques. Enfin l'introduction d'un élément patriotique est une nouveauté : la célébration des Ptolémées, parfois identifiée, parfois simplement parallèle au chant religieux, en est un exemple.

Le premier hymne, dédié à Zeus, se distingue des autres par l'absence de l'élément religieux : la naissance du dieu en Arcadie et sa jeunesse en Crète sont décrites avec une grande élégance puis, il est proclamé roi des dieux et maître des souverains de la terre, en particulier de Ptolémée Philadelphe.

De même, dans le second hymne, consacré à Apollon, l'élément patriotique est au premier plan : en effet, si le dieu y est célébré pour toutes ses vertus, c'est surtout en tant que fondateur de Cyrène, patrie du poète, et en tant que protecteur divin des Ptolémées qu'il nous apparaît.

Dans le troisième hymne, dédié à Artémis, le poète célèbre la déesse de la chasse et énumère ses cultes les plus fameux dans l'ensemble, cet hymne n'est pas très original. Il atteint cependant une valeur poétique exceptionnelle dans l'épisode de la visite d'Artémis aux Cyclopes, qui lui forgent ses armes (cet épisode est inspiré du VIIe chant de l'Énéide de Virgile).

Ce choix fait, Diane alla chercher les Cyclopes. Ils étaient dans Lipare, (aujourd’hui c’est ainsi qu’on la nomme, alors c’était Méligounis), occupés à forger une masse ardente sur l’enclume de Vulcain. L’ouvrage pressait : c’était un abreuvoir pour les coursiers de Neptune. Les nymphes pâlirent à la vue de ces énormes géants, pareils à des montagnes, et dont l’œil unique, sous leur épais sourcil, étincelait de regards menaçants. Les uns faisaient mugir de vastes soufflets ; les autres, levant tour à tour avec effort leurs lourds marteaux, frappaient à grands coups le fer ou l’airain qu’ils tiraient tout en feu de la fournaise. L’enclume en gémit, l’Etna et la Sicile en sont ébranlés, l’Italie en retentit, et la Corse même en résonne. À ce terrible aspect, à ce bruit effroyable, les filles de l’Océan s’épouvantent… frayeur pardonnable : les filles même des dieux, dans leur enfance, n’envisagent ces fiers géants qu’avec crainte, et lorsqu’elles refusent d’obéir, leurs mères feignent d’appeler Argès ou Stéropès : Mercure accourt sous les traits de l’un de ces Cyclopes, le visage couvert de cendre et de fumée ; soudain l’enfant effrayé couvre ses yeux de ses mains et se jette en tremblant dans le sein maternel. Pour toi, fille de Jupiter, plus jeune encore, et dès l’âge de trois ans, lorsque Latone t’avait portée dans ses bras à Vulcain pour recevoir ses premiers présents, et que Brontès t’avait mise sur ses genoux, tu avais arraché les poils hérissés de sa large poitrine, et depuis ils n’ont point été reproduits : ainsi les cheveux moissonnés une fois par l’alopécie ne reviennent jamais couvrir le front qu’elle a rendu chauve.

L'hymne à Delos fut composé lors d'une cérémonie célébrée dans l'île : les réminiscences homériques y abondent.

L'hymne pour Les bains de Pallas, en distiques élégiaques et en dialecte dorien, fut composé pour la cérémonie du simulacre du bain de la déesse dans l'Inachos. La scène se passe sur le chemin qui mène au fleuve en attendant l'arrivée du cortège, une femme rapporte la légende de Tirésias qui serait devenu aveugle d'avoir aperçu Pallas au bain.

L'hymne à Déméter forme une unité plus compacte que l'hymne que nous venons de citer, bien qu'il lui ressemble beaucoup ; c'est encore une femme qui, en attendant le cortège sacré, raconte le mythe d'Érysichthon condamné à la faim par Déméter, déesse de l'abondance. Il s'agit ici, ainsi que pour Tirésias, d'un de ces mythes peu connus pour lesquels notre poète avait une prédilection particulière. La langue et le style en sont recherchés, parfois même trop raffinés. Ces Hymne furent probablement composés entre 280 et 270, période la plus féconde de Callimaque.
T.F. Les Belles Lettres, 1948