Mythes

Le terme de mythologie s'applique à deux objets distincts:
1) à l'ensemble des divinités et légendes qui les concernent, adoptées par un peuple ou une nation: mythologie indo-européenne, mythologie scandinave, etc.;
2) à la science des mythes, c'est-à-dire à la recherche critique de leur origine, de leur signification, de leur développement.

Pour expliquer l'origine forcément obscure des mythes, divers systèmes ont été proposés dès l'antiquité. Les deux principaux furent l'allégorie et l'évhémérisme. Selon l'interprétation allégorique, imaginée par les philosophes ioniens et reprise au IIIe siècle de notre ère par les philosophes Plotin et Porphyre, les divinités étaient des personnifications soit d'éléments et de forces physiques (l'air, l'eau, le soleil, le tonnerre, etc.), soit d'idées morales: ainsi, l'aventure d'Ulysse et des Sirènes signifie les dangers du vice attrayant et le soin que le sage doit mettre à les éviter.

Au IVe siècle avant notre ère, le philosophe grec Evhémère soutint que les mythes n'étaient que les récits imagés d'événements historiques; il voyait dans les dieux et autres personnages mythiques des mortels (rois ou héros) divinisés après leur mort. On peut suivre dans le cours des âges l'évolution de ces deux systèmes.
Les pères de l'Eglise adoptèrent l'évhémérisme qui leur permettait de soutenir que les dieux du paganisme n'étaient en réalité que des hommes, indignes d'être adorés, quand ils ne voyaient pas en eux de simples manifestations démoniaques.
Le moyen âge partagea cette façon de voir, comme en témoigne l'incorporation de généalogies divines dans les vieilles chroniques celtiques ou scandinaves. Les grandes découvertes du XVIe siècle, en révélant les mythologies de l'Amérique et de l'Orient, compliquèrent le problème, sans proposer de solutions nouvelles.

On vit se former au XVIIe et au XVIIIe siècle de timides essais de mythologie comparée, avec Kircher, qui ramenait tous les cultes païens à une forme primitive, œuvre du démon, le président de Brosses, qui identifiait l'ancienne religion égyptienne avec le fétichisme des peuplades d'Afrique, l'orientaliste W. Jones, qui, le premier, compara les noms des dieux hindous et ceux des divinités grecques. A la même époque, Dupuis et Eméric David affirmaient que tous les dieux et les héros du paganisme avaient leur origine dans le culte du soleil. Au XIXe siècle, Creuzen, dans sa fameuse Symbolique et Mythologie des peuples de l'antiquité (1810-1812), rattachait les formes mythologiques à une poésie primitive issue d'un fonds oriental. De son côté K.-O. Muller inaugurait la méthode historique, qui fut suivie après lui par d'Arbois de Jubainville, Jackson, Oldenberg. Preller cependant demeurait fidèle au système allégorique.
Un peu plus tard, Max Muller en Angleterre, A. Kuhn en Allemagne, Michel Bréal en France, s'étayant des progrès de la linguistique générale, cherchèrent à démontrer que les mythes avaient leur origine dans le langage.

Comme mythographe, Max Muller a, sinon découvert, du moins exposé avec éclat la méthode d'interprétation, dite philologique, et y a attaché son nom. Mais il était téméraire de prétendre expliquer toutes les mythologies par l'onomastique. Les exagérations de Max Muller et de son école ont discrédité son système. Clermont-Ganneau, remarquant que la pensée humaine pouvait se traduire par des représentations figurées aussi bien que par des mots, a proposé le système iconographique. Selon lui, les Grecs tentèrent d'expliquer par des mythes ou légendes les statues, bas-reliefs et autres monuments religieux qu'ils reçurent des peuples avec lesquels ils furent en rapport dès le début: Phéniciens, Chaldéo-Assyriens, Egyptiens, etc. Un autre système, représenté par Bérard, fait naître les mythes des rites, des formules des invocations; le matériel lui-même des sacrifices et cérémonies donne naissance à des mythes et à des légendes. C'est ce qu'on a nommé le système religieux. Le mythologue anglais, A. Lang, trouve l'origine des mythes dans l'imagination de l'homme lui-même; comme l'horizon de l'esprit humain était alors borné, les mythes qu'il a produits sont matériels et grossiers. C'est le système anthropologique.
Regnaud (le Rig-Véda et les Origines de la mythologie indo-européenne) attribue la naissance des mythes à un état psychologique de l'homme primitif, qui, n'étant entravé ni par l'expérience, ni par les habitudes logiques de l'esprit, s'en rapportait volontiers au témoignage immédiat des sens et en affirmait le résultat, quel qu'il fût.

❖ Légendes

On a donné d'abord le nom de légende aux Vies des saints, qui devaient être lues (legendae) dans les couvents comme par exemple:
le Martyrologe de saint Jérôme,
le recueil de Siméon
le Métaphraste,
la Légende dorée de Voragine,
les Acta martyrum et Sanctorum de Ruinart et des bollandistes
sont une mine inépuisable de légendes chrétiennes.

Wu Ji

Dans un autre sens, le mot "légende" s'applique à tout récit non authentique qui est ou qui se donne pour être fondé, en partie tout au moins, sur la réalité de certains faits.

Les grands livres cosmogoniques et religieux les peuples de l'Orient, la mythologie de l'Egypte, de la Grèce et de l'Italie, les poèmes mythiques des peuples septentrionaux (Sagas), les chansons de geste françaises et les romans de chevalerie ont pour substance la légende, dont ils sont devenus une source intarissable.


La légende peut être créée de toutes pièces par un esprit mystique ou poétique en communion avec les masses populaires; mais elle est, le plus souvent, l'éclosion même de l'imagination inconsciente de ces masses.