Elixirs du diable

«Die Elixiere des Teufels» est un roman de l'écrivain allemand Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1776-1822), paru en 1816.

❖ Roman.

Les élixirs du diable

Frère Médard, sur qui pèsent, comme une fatalité, les fautes non expiées de ses ancêtres, succombe au pouvoir d'un mystérieux élixir, conservé parmi les trésors de son couvent. Alors qu'il est entraîné dans les griseries de la vie terrestre et qu'il est devenu incapable de résister à l'appel de ses sens, les vapeurs de l'élixir diabolique ayant annihilé en lui toute volonté, le prieur de son couvent décide de l'envoyer à Rome en ambassade. Médard est engagé dans une série d'aventures toujours de plus en plus compliquées. Brûlant d'une passion sacrilège pour Aurélie, jeune femme en qui il reconnaît l' « original » d'une sainte Rosalie peinte sur l'autel du couvent de Saint-Tilleul, où tout enfant il venait prier, il se sent également attiré par le coupable amour qu'il éprouve entre les bras d'Euphémie, belle-mère d'Aurélie. Il en arrive à commettre un double crime, tuant Euphémie et le frère d'Aurélie, Hermogen, qui se dressait sur son chemin. Médard se réfugie alors dans une grande ville avec l'assistance d'un étrange coiffeur italien, Pietro Belcampo. Celui-ci connaît, on ne sait trop comment, le passé de Médard et réussit à le sauver, bien qu'un vieux peintre, qui l'a vu prêcher à l'église du couvent, le reconnaisse, et, le fixant d'un regard inexorable et justicier, l'accuse ouvertement d'être complice d'un homicide. Médard croit enfin trouver une vie paisible dans la solitaire demeure d'un garde-chasse, en pleine forêt.

C'est alors que, précisément, commence sa plus dramatique aventure. Il rencontre son sosie : un moine, qui lui ressemble en tous points et qui vient du même couvent que lui chargé des mêmes crimes et des mêmes remords. Durant la nuit, ce moine dérobe le reste de l'élixir gardé par Médard, et manifeste un tel accès de folie qu'on l'emporte, pieds et poings liés, dans un asile de fous à la ville voisine, résidence du prince Alexandre. Le lendemain, Médard se rend, lui aussi, à la ville. Très vite, il réussit à s'introduire à la cour et à obtenir la faveur du prince. Tout alors semble lui réussir, mais il rencontre Aurélie qui reconnaît, à son rire sardonique, l'assassin de sa belle-mère et de son frère. Médard est emprisonné. Une nuit, dans sa cellule, la terre s'ouvre subitement sous ses pieds, et, dans une lueur spectrale. le  buste  de son sosie, le moine fou, lui apparaît. Le problème se pose alors de savoir lequel des deux est le coupable : Médard ou le sosie ? Le dernier se charge de toutes les fautes. Médard retrouve, avec l'honneur, ses faveurs à la cour. Il va atteindre le comble de ses désirs : Aurélie consent à devenir sa femme. Pendant la cérémonie du mariage, son sosie est conduit à l'échafaud. A cette vue, Médard, hors de lui, avoue dans un hurlement, qu'il est le seul coupable. Il s'enfuit dans les bois voisins, suivi de son sosie. Lorsqu'il revient à lui, il se trouve dans une maison de repos, en Italie, où l'a conduit Belcampo, encore une fois son sauveur. Guéri, il se rend en pèlerinage à Rome, et rejoint finalement son couvent. Au même moment, dans le couvent voisin de Saint-Tilleul. Aurélie prend le voile. L'ancienne passion se réveille, mais désormais Médard est le plus fort. Grâce à la pénitence, il sauvera son âme et celle de ses ancêtres, et la paix régnera dans son coeur : même la mort d'Aurélie ne pourra la troubler.

❖ Analyse.

L'élixir du diable

Ce récit auquel Hoffmann travailla pendant deux ans est une de ses œuvres les plus intéressantes. Tous les grands motifs chers au poète s'y trouvent rassemblés et portés à leur paroxysme: de l'angoisse de vivre à l'ivresse romantique de la volupté, des « aspects nocturnes de la vie » au développement de la personnalité. des rapports qui unissent le réel et le rêve à la tendance au  grotesque.
C'est précisément pour cela que le lecteur se sent désorienté. De l'idylle du début à l'action mouvementée de la première partie et à l'agitation dramatique ainsi qu'aux visions hallucinantes de la seconde partie, c'est partout et, à chaque instant, le souffle même de la poésie qui se fait sentir.
Mais Hoffmann a voulu exprimer trop de choses dans son œuvre trop de sens religieux, moraux, esthétiques, tous les fruits de ses chimères et de ses méditations, tout l'arsenal romantique et réaliste de sa poésie. Il s'en suit que l'ouvrage manque parfois d'unité et de cohésion. Le visage de Médard lui-même ne vit que par à-coups et on ne le reconnaît pas toujours d'un bout à l'autre du récit. Néanmoins, malgré ce qu'il contient de trouble, de confus et de forcé, ce livre est une des meilleures œuvres d'Hoffmann, en ce sens qu'il donne de nombreux aperçus sur l'univers poétique de l'auteur et constitue un précieux témoignage sur sa personnalité inquiète et exceptionnelle.  
T.F. Stock, 1928.