Fantasme ou non, le sabbat allait occuper une place prépondérante dans les procès de sorcellerie.
Dès 905, le Canon proclame : « On ne doit pas omettre que certaines femmes perdues, perverties par Satan, séduites par des illusions et des phantasmes de démons, croient et professent ouvertement que, au milieu de la nuit, elles chevauchent certaines bêtes en compagnie de la déesse païenne Diane, avec une horde innombrable de femmes, et dans le silence de la nuit profonde volent au-dessus de larges étendues de territoire, et obéissent sur commande à leur maîtresse, tandis qu'elles sont astreintes à son service d'autres nuits. Ce serait bien si elles seules périssaient dans leur infidélité et n'attiraient pas autant d'autres après elles dans le puits de leur trahison. Car une multitude innombrable, trompée par cette fausse opinion, croit que cela est vrai et, le croyant, quitte la vraie Foi... C'est pourquoi les prêtres devraient prêcher aux gens avec insistance, dans toutes leurs églises, qu'ils peuvent savoir que ceci est faux de toute façon et que de tels phantasmes sont envoyés par le Diable pour les tromper dans leurs rêves. »
Le sabbat combinait des éléments disparates : vieilles légendes magiques, nouvelles idées révolutionnaires (complots nocturnes contre l'ordre établi) ou hérétiques (parodie de rites chrétiens), pensées théologiques (assemblées du Mal), le tout pimenté de tabous sexuels trop heureux de « se défouler ».
Les démonographes firent du sabbat le successeur des bacchanales de Dionysos-Bacchus, stipulant même que le créateur en fut Orphée. Lors de la première bacchanale, le gnome Sabasius ou Sabazios (autre nom de Bacchus) fut immortalisé en copulant avec une femme. Aux bacchanales, on criait Saloé (de ce cri et de Sabazios serait venu le terme sabbat). Les méthodes des tribunaux de répression contribuèrent beaucoup à former le concept de sabbat et à l'épanouir. Dès 1335, un tribunal de Toulouse en parle, mais il ne s'agit que d'une forme larvée. Vers 1440, Martin le Franc, dans son Champion des dames, cite une vieille femme qui assure avoir assisté à plusieurs sabbats depuis l'âge de seize ans. Nider n'en parle pas en 1435, mais le tract français anonyme Errores Gazariorum, de 1450, en relate un sous le nom de « synagogue » et la Vauderge de Lyonois, de 1460, en cite un autre. La Bulle d'Innocent III ne le mentionne pas, ce qui paraît extraordinaire. Mais après de Como (1510) et B. Spina t7 (1523), les démonologues le détaillèrent à qui mieux mieux. On chercha des précédents chez les Vaudois V (d'où l'expression « aller en Vaudois » pour se rendre au sabbat), chez les Cathares ou même chez les Fraticelli italiens. On alla jusqu'à remonter aux fêtes magiques citées par Horace, Pétrone et Apulée ; puis aux armées miraculeuses ou aux groupes se déplaçant dans les airs la nuit (légendes fréquentes depuis l'An Mil). On y joignit les 'fêtes saisonnières et les deux festivités traditionnelles des druides : le soir du 31 octobre et la nuit du 30 avril, dite nuit de Walpurgis en l'honneur de Walpurga, sainte du Devonshire morte en Allemagne en 777.
Sources : Dictionnaire du diable et de la démonologie de J. Tondriau et R. Villeneuve.
(Mare au Diable, Onguent magique, Sabazies, Sabbat (petit), Sabbat des chats, Sabbat des Nymphes (ou des fées), Vol des sorcières.)