Sabbat

Repas au Sabbat
Repas au Sabbat

Il s'agit au premier chef d'un hommage au Diable. Sur appel, les sorcières, les yeux baissés, à reculons, viennent embrasser le derrière-visage de Léonard pour marquer leur allégeance et lui offrent une chandelle noire.

Elles reçoivent en échange un peu d'argent. Le Diable se lève alors et le maître de cérémonie distribue les places pour le festin, d'après l'ordre d'importance, en prenant soin d'alterner diablotins et sorcières, succubes et sorciers. Ici les opinions divergent : certains assurent que la nappe est dorée, les plats succulents et les boissons aphrodisiaques ; d'autres certifient, au contraire, qu'on y mange des mets épouvantables composés de crapauds, de chairs de pendus, de morceaux de petits enfants. De toute façon, le pain blanc, le sel et l'huile sont exclus. On ne cesse de chanter des couplets obscènes. Le repas se termine par « le pain du diable », gâteau de millet censé donner le mutisme sous les tortures.

Puis les sorcières procèdent à une sorte d'« autocritique », contrôlée et aggravée par les crapauds qui leur servent de domestiques. Les coupables sont châtiées par des démons sans bras qui les font rôtir à petit feu ou les obligent à danser avec un chat féroce pendu au derrière. Les récompenses, en revanche, consistent en crapauds, somptueusement parés de velours rouge, vert ou noir, portant une sonnette au cou et au pied droit, qui dansent avant de devenir les serviteurs des sorcières qui les ont mérités.

Sabbat
Repas au Sabbat

Vient alors une danse qui s'opère dos à dos, toujours vers la gauche, en attendant la célébration d'un office qui préfigure la messe noire. Revêtu d'habits sacerdotaux retournés, le Diable asperge l'assemblée d'urine, puis récite un office ridicule, en oubliant le Confiteor et l'Alleluia. Il se fait adorer au temps de l'offertoire et quête des pièces qui, obligatoirement, ne doivent pas être marquées d'une croix. Il communie ensuite avec une rave, une hostie dérobée et sodomisée, ou quelque vieux morceau de savate. L'hostie ressemblait aux nôtres, dit Madeleine Bavent dans sa confession, « cependant elle me paraissait toujours rougeâtre et sans image, ce dont je puis bien juger, car on communiait à cette messe. On y faisait aussi l'élévation, et j'entendais alors d'horribles blasphèmes. On lisait la messe dans le livre des blasphèmes, qui servait de canon et qu'on employait aussi dans les processions. Il renfermait les plus horribles malédictions contre la sainte Trinité, le saint sacrement de l'autel, les autres sacrements et les cérémonies de l'église, et il était écrit dans une langue qui m'était inconnue ». Suivait une bacchanale effrénée assaisonnée des pires débauches. Avant l'aurore, Léonard faisait ses déjections dans un trou et les sorcières, qu'il avait parfois possédées à plusieurs reprises, s'en enduisaient voluptueusement. Cette fréquence du coït et l'absence de résultats ont incité Margaret Murray et Rattray Taylor à penser qu'on se servait de phallus artificiels — opinion que nous partageons entièrement, d'autant que l'on brûlait après le chant du coq tous les objets en bois utilisés durant les cérémonies sacrilèges.

Si le culte du Diable fut effectivement pratiqué au Moyen Age en d'étranges rituels, l'imagination populaire a enrichi la tradition d'un certain nombre d'éléments fabuleux, dont nous trouverons longtemps des traces dans l'art et la littérature. On a donné mille descriptions de ces scènes qui parodient la religion.

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