Paléolithique

Période préhistorique qui couvre la plus grande partie de l'ère quaternaire depuis ses débuts jusqu'au VIII millénaire, soit près d'un million d'années.


Le terme fut créé par John Lubbock en 1865 pour désigner l'« âge de la pierre taillée », par opposition à Néolithique, l'« âge de la pierre polie »
La chronologie du Paléolithique en Europe, établie à la fin du siècle dernier, repose essentiellement sur des études de sites français. Le modèle européen a servi de référence pour l'ensemble de la planète, à l'exclusion de l'Amérique, l'apparition de l'homme sur ce continent remontant à une trentaine de millénaires seulement.

On reconnaît trois époques : le Paléolithique inférieur ou ancien, le Paléolithique moyen et le Paléolithique supérieur.

Les premiers outils, oeuvres des Australanthropiens, se réduisaient à de simples galets éclatés, sans retouches, soit sur une seule face (chopper), soit sur les deux faces (chopping-tool). Cette industrie, qui représente la forme la plus primitive de la pierre taillée, est groupée sous l'expression pebble culture. Par la suite, on reconnaît trois grandes catégories d'industries lithiques : les industries à bifaces, les industries à éclats et les industries à lames. Les deux premières caractérisent les Paléolithiques inférieur et moyen et la dernière le Paléolithique supérieur.

Paléolithique inférieur.

• Les industries lithiques du Paléolithique inférieur témoignent du lent processus d'évolution de l'esprit humain depuis les galets taillés de la pebble culture jusqu'aux bifaces affinés de l'Acheuléen. On distingue deux types d'industries, suivant que l'Homme taille le nucleus primitif jusqu'à l'obtention d'un biface ou bien qu'il utilise les enlevés de ce nucleus. Ces deux industries, à bifaces et à éclats, se développent simultanément avant de fusionner.

• Le biface est, par définition, taillé sur les deux faces. Les plus anciens bifaces sont grossiers, et leurs arêtes sinueuses; une partie du rognon primitif est conservé afin de ménager une zone de préhension : ces bifaces sont caractéristiques de l'Abbevillien. Ils vont devenir plus réguliers; leur tranchant, rectiligne, sera finement retouché, et, finalement, ils aboutiront aux magnifiques amandes du faciès acheuléen dont la durée s'étale sur plus de 300 000 ans.

• Le Clactonien constitue le premier faciès industriel basé sur les éclats. Les premiers vestiges clactoniens seraient antérieurs à la glaciation de Mindel (plus de 400 000 ans). Ce mode de débitage des éclats est caractérisé par un angle très ouvert entre le plan d'éclatement et le plan de frappe. Le bulbe de percussion, lui, est le plus souvent saillant et conique. Au cours d'une phase moyenne, ces éclats clactoniens subissent des retouches moustériennes. Plus tard, associés avec des éclats levalloisiens, ils composeront les industries tayaciennes.

• Sur le plan chronologique, l'Acheuléen succède à l'Abbevillien, mais il en est séparé dans certaines régions par le Clactonien. La phase finale de l'Acheuléen prend parfois le nom de Micoquien, caractérisé par un type de biface à talon épais et à extrémité mince et finement retouchée. Utilisant parfois la technique levalloisienne, le Micoquien est contemporain du Moustérien.

Paléolithique moyen.

• La technicité des Paléanthropiens est manifeste dans le procédé de débitage levallois. Dans ses grandes lignes, cette technique consiste à préparer soigneusement le plan de frappe du nucleus par une série d'enlèvements afin d'en tirer le plus long éclat tranchant de forme diverse (éclat levallois) ou d'en extraire une pointe de forme caractéristique, la pointe levallois.
• Le Moustérien compose le faciès principal du Paléolithique moyen. Il est caractérisé par des pointes triangulaires et des racloirs obtenus par des retouches d'éclats sur une seule face. La diversité des horizons moustériens a conduit François Bordes à proposer quatre groupes : le Moustérien type, qui utilise parfois la technique levallois; le Moustérien de tradition acheuléenne, qui comprend des bifaces et des couteaux à bord abattu courbe ainsi que des outils tels que les burins et les perçoirs préfigurant les industries supérieures; le Moustérien à denticulés, dont les pièces possèdent des encoches et des bords denticulés; le Moustérien de type Quina, ou Charentien, avec ses nombreux racloirs et ses tranchoirs (racloirs à retouches bifaciales). Notons que les différences entre ces types de Moustérien restent encore difficiles à expliquer et que les deux faciès du Paléolithique moyen se fondent souvent en un complexe levalloiso-moustérien.
Les     industries moustériennes, oeuvre des Néandertaliens, possèdent déjà quelques lames et une ébauche d'outillage osseux : elles nous amènent au seuil du Paléolithique supérieur vers le XXXVe millénaire.

Paléolithique supérieur.

• En France, la phase supérieure du Paléolithique débute avec le Châtelperronien (de - 35 000 à - 30000), qui conserve des caractères moustériens, dont le débitage levallois. Le couteau de Châtelperron, lame à dos courbe obtenu par des retouches abruptes, caractérise ce faciès. La rupture avec la période précédente est marquée par le développement de l'outillage osseux, directement lié d'ailleurs à la multiplication des grattoirs et des burins. Le bois de Renne était ainsi débité au burin. À ce faciès correspondent le Szélétien hongrois et le Kostienkien russe.

• L'Aurignacien (de - 30 000 à - 27000) succède au Châtelperronien. L'abattage des bords disparaît, mais une retouche extrait de minuscules lamelles : les « lamelles Dufour » et le burin busqué caractérisent ainsi l'industrie lithique. Ce type de burin cédera la place au grattoir caréné à mesure de l'évolution. L'outillage osseux est essentiellement représenté par des pointes de sagaie à base fendue et d'autres sans base fendue, mais losangiques; d'abord ovales, ces pointes deviennent peu à peu circulaires. Le Pavlovien de l'Europe centrale correspond en gros à l'Aurignacien occidental.

• Le Gravettien (de - 27 000 à - 20000) constitue le stade final de l'Aurignacien. La pointe de La Gravette, obtenue par des retouches abruptes, est considérée comme le fossile directeur de ce faciès, mais le burin sur troncature retouchée est l'outil le plus fréquent.
• Alors que la retouche abrupte d'abattage permettant de découper un silex caractérisait le Gravettien, la retouche plate en écaille sur les faces de la pièce caractérise le Solutréen (de - 20 000 à - 15 000) : cette retouche rasante est dite « envahissante ». Les « feuilles de Laurier», pointes foliacées retouchées sur les deux faces, sont typiques de la phase moyenne; les « feuilles de Saule », plus étroites et dont la face supérieure seule est retouchée, caractérisent la phase récente. L'outillage osseux semble moins important que lors de l'Aurignacien, mais on fabrique des aiguilles à chas en os. L'originalité de la culture solutréenne, centrée sur le sud-ouest de la France, la fait se rattacher difficilement aux autres cultures européennes.

• Les faciès du Magdalénien (de - 13 000 à - 8000) terminent de façon magistrale le Paléolithique supérieur. Divisé en six périodes par Henri Breuil, le Magdalénien marque l'épanouissement de l'outillage osseux. Les critères pertinents des six périodes sont empruntés en effet aux sagaies et aux harpons. Le Magdalénien I comprend des pointes de sagaie à simple biseau large et pointu (base en lancette), qui font place à de fortes sagaies à base conique au cours de la période II. Les pointes du Magdalénien III sont marquées de profondes rainures longitudinales. Avec le Magdalénien IV apparaissent les barbelures, d'abord petites et serrées, sur des proto-harpons. Les véritables harpons à un rang de barbelures fortes et incurvées n'apparaissent qu'au Magdalénien V. Les harpons du Magdalénien VI possèdent deux rangs de barbelures, et leur forme permet de distinguer deux phases : les premiers harpons (VI a) se rapprochent des précédents, alors que les suivants (VI b) portent des barbelures nettement détachées du fût et de contour anguleux.
L'industrie lithique se développe parallèlement à l'industrie osseuse : les burins abondent, et leur diversification continue. Le Magdalénien se singularise par des petites lamelles à bord abattu se terminant par une troncature oblique leur conférant une silhouette triangulaire; elles se raccourcissent dans les périodes suivantes et sont parfois denticulées. Le Magdalénien VI apporte un type nouveau de burin, le bec-de-perroquet, et une lamelle à dos courbe possédant au moins une extrémité pointue, le canif. Le nombre des burins diminue au profit des grattoirs courts sur éclats (grattoirs onguiformes).
Le Hambourgien allemand, le Creswellien anglais et le Romanellien d’Italie sont contemporains du Magdalénien final.

L'art paléolithique

Les premières œuvres d'art figuré apparaissent au Gravettien. On distingue dans cet art des œuvres mobilières, des statuettes, des gravures sur os, galet, schiste ou bois de Renne, des plaquettes décorées et des pigmentations pariétales. La plus grande partie de l'art pariétal se trouve dans les sites du sud-ouest de la France et dans le nord-ouest de l'Espagne. C'est pourquoi on donne souvent à cet art le nom de franco-cantabrique, aujourd'hui contesté par certains. De fait, on le trouve aussi en Italie du Sud. Dans l'Oural, on a découvert une grotte à peinture paléolithique (1961). Le principal motif de cet art est l'animal, fréquemment associé à des signes et rarement à des représentations humaines. On remarque une certaine prédilection pour quelques espèces (Cheval, Bison, Renne). L'art paléolithique est un art qui semble se développer en même temps que les techniques de la chasse et qui se termine lorsque la chasse s'éteint.

H. Breuil a distingué deux cycles évolutifs successifs : le « cycle aurignaco-périgordien » et le cycle « solutréo-magdalénien ». Depuis 1956, A. Leroi-Gourhan a élaboré une chronologie des styles.

• La période préfigurative (– 35 000). Elle se caractérise par l'apparition des premières plaquettes en os ou en pierre, qui sont gravées par incisions parallèles, et par l'utilisation abondante de l'ocre.

• La période primitive (– 30 000). À l'Aurignacien se développe le « style I » (La Ferrassie, Isturits) : sur des blocs de calcaire, des figures représentant des avant-trains ou des têtes d'animaux (Chevaux, Taureaux) associés à des représentations génitales. Le « style II » correspond au Gravettien et au Solutréen ancien (de – 25 000 à – 20 000). On le trouve dans les grottes des Hautes-Pyrénées (Gargas) et en Gironde (Pair-non-Pair). On remarque alors une certaine évolution vers un canon artistique : apparition de la ligne cervico-dorsale, avec des détails qui permettent de différencier les espèces (Mammouth, Bouquetin) ; quelques figures humaines, avec une partie centrale très développée (les « Vénus aurignaciennes » de Willendorf, de Lespugue appartiennent à ce style).

• La période archaïque (de – 20 000 à – 15 000) est celle du « style III » : apparition de crinières, oreilles ; accentuation de la ligne cervico-dorsale de la faune ; représentation schématique des figures humaines. On trouve ce style dans la grotte de Lascaux, en Dordogne, aux Cantabres et à La Pasiega.

• La période classique (de – 15 000 à – 12 000) forme le « style IV ancien » : La figuration des animaux est de plus en plus réaliste (nombreux détails), mais ce n'est qu'à la fin de cette période que les membres des animaux reposeront sur le sol (Font-de-Gaume, Combarelles, Altamira, Niaux).

• La période tardive (– 10 000) est caractérisée par un art essentiellement mobilier. Les grottes sont de moins en moins décorées. Ce qui frappe dans ce « style IV récent », c'est le réalisme des formes et du mouvement (Teyjat et Limeuil).